MARIUS LE JEUNE CONSUL

An de Rome 672 (-82) Gnaeus Papirius Carbo reprend le consulat en main et nomme avec lui Marius le Jeune, 26 ans, au mépris de toutes les lois: consul avant même d'avoir débuté le cursus honorum... Marius a été préféré à Sertorius à cause de son nom, afin d'accélérer le recrutement des vétérans de son père à venir se battre contre Sylla. De son côté, Quintus Sertorius, le meilleur général des populares, est tellement vexé de n'avoir pas obtenu le consulat, qu'il décida ou qu'on le poussa à quitter l'Italie pour aller prendre son poste de propréteur en Ibérie Citérieure. Sertorius désespérait de la conduite de Carbo et de Norbanus, qu'il jugeait incapables face à Sylla. Ainsi, il laissait l'Italie à Sylla et partait continuer la guerre loin de Rome.

Marius le jeune

Sans perdre de temps, à peine élu, Carbo déclare Metellus Pius et tous ceux qui avaient rejoint Sylla ennemis public. Lucius Sylla l'était déjà depuis longtemps…

Le trésor public étant ruiné, l'une des premières mesures des nouveaux consuls est de voter une loi pour faire fondre les ornements des temples en or et argent afin de payer les soldats. Plus tard, au printemps, Gaius Licinius Verres, le questeur de Carbo, qui avait pour mission de payer les légions se trouvant en Gaule Cisalpine avec son consul, s'enfuira avec l'argent, et l'offrira à Sylla! Sauf que Gaius Verres était surtout un traître à sa propre cause, puisqu'après avoir rejoint le camp de Sylla, il lui dit qu'il avait laissé les 600 000 sesterces de la caisse des armées à Rimini. Sylla ne vit jamais cet argent… Dans la République, l'abandon d'un consul par son questeur est considéré comme un acte de haute trahison. Sylla l'accueillit dans son camp, mais il n'eut que du mépris pour lui, comme en témoignera Cicéron par la suite: ''La trahison doit par conséquent révolter tous les hommes. C'est l'ennemi commun de tous que celui qui s'est montré l'ennemi des siens. Jamais aucun homme censé n'a cru devoir se fier à un traître. Aussi Sylla éloigna-t-il Verrès de sa personne'', ajoutant qu'''il le récompensa comme un traître, mais se garda bien d'avoir confiance en lui comme en un ami''.

L'année commença mal pour les populares. Caius Fabius, le préteur d'Afrique qui avait chassé Metellus Pius de sa province, fut brulé vif dans son prétoire! Il s'était rendu odieux à la foule à cause de sa cruauté et de son avarice…

SYLLA VISE ROME

De son côté, Lucius Cornelius Sylla passe l'hiver à mener d'intenses négociations diplomatiques avec les Italiques. En effet, les Italiques craignaient que Sylla, une fois de retour au pouvoir à Rome, ne leur enlève leurs nouveaux droits si chèrement acquis. Mais si Sylla était le grand vainqueur de la Guerre sociale, il était prêt à respecter le droit de citoyenneté des Italiques, ainsi que leur répartition dans les 35 tribus d'élection. Il voyait surtout que ceux qu'il avait vaincus s'engageaient en masse dans le camp adverse. Il proposa ainsi un traité à tous les peuples d'Italie qui voulaient bien rejoindre son camp. Et pour bien montrer qu'il allait à nouveau assurer le pouvoir à Rome, il dit à tous ceux qui se présentaient devant lui avec des doléances de venir se représenter lorsqu'il serait à Rome! Toute la noblesse de Rome et d'Italie se pressaient dans son camp. Sylla n'imaginait pas ou feignait de ne pas imaginer la défaite un seul instant… Et Lucius Cornelius ne se contente pas de Rome; il veut prendre le contrôle dans toute l'Italie. Aussi, il envoya Lucius Marcius Philippus, un de ses légats, prendre le pouvoir en Sardaigne afin de s'assurer des ravitaillements en blé pour ses légions. Philippus occupa donc la Sardaigne après avoir expulsé et tué le préteur Quintus Antonius, et prit le titre de gouverneur. L'Imperator n'était pas impatient de reprendre le pouvoir à Rome. Comme en Asie, il prenait le temps de tout organiser: traités, conciliations, débauchages de troupes, ravitaillements, côte de popularité, ralliements, organisation des impôts, alliés, renflouage des caisses de l'Etat, etc. Sylla n'était pas seulement un général en campagne militaire, il se transformait peu à peu en homme politique devant réorganiser l'état romain et visiblement, il prévoyait tout…

Sylla affiche son pouvoir

L'hiver fut rigoureux et les hostilités suspendues pour quelques mois. Sylla a installé son camp d'hiver en Campanie, Metellus et Pompée le leur dans le Picenum. Mais, après les grosses campagnes de recrutement fait d'un côté et de l'autre, les troupes des populares sont toujours en surnombre par rapport à celles des optimates. Les ''marianistes'', c'est-à-dire les populares de Carbo et Norbanus plus l'afflux des vétérans de Marius qui se sont réengagés à la suite de son fils, ont défini leur plan: Carrinas doit s'assurer de la route de la Gaule Cisalpine, et surtout de faire arriver du ravitaillement aux troupes. Carrinas installe donc son camp près du fleuve Aesis afin de maîtriser Metellus Pius. De son côté, Carbo campe en Etrurie; il doit couper la route de Rome à Pompée. Enfin et surtout, Marius doit tenir le Latium et barrer la route de Rome à Sylla, et pour cela, il campe non loin de Praeneste. A Rome, c'est le préteur urbain Iunus Brutus Damasippus qui gère l'Urbs.

Les hostilités reprennent au début du printemps. Sur le front nord, le préteur Gaius Carrinas livre en avril une bataille sanglante aux troupes de Metellus, au bord du fleuve Aesis. L'affrontement dure de l'aube à midi et Carrinas, qui a subi de lourdes pertes, doit s'enfuir. Metellus s'empara du camp du populare, et, suite à cette défaite, toute la population des environs rejoignit le parti des optimates. Lorsque Carbo apprit la nouvelle, il quitta son camp d'Ariminum et parti en guerre contre Metellus. Mais en cours de route, il se heurta à l'armée de Pompée, qui tailla en pièce sa cavalerie, et l'obligea à se replier dans son camp.

ACTE III: SYLLA ECRASE MARIUS LE JEUNE

Sur le front sud, Sylla reprend lui aussi les hostilités dès le retour des beaux jours. Il s'empare de la ville de Setia et marche sur l'armée de Marius, campé non loin de là. Le consul, voyant l'Imperator arriver avec ses cinq légions de vétérans, se replie vers la ville de Sacriportus, où il pense que le terrain lui sera plus favorable. Marius le Jeune possède une armée de 50 000 hommes, dont beaucoup de vétérans de son père. Lucius Cornelius est impatient de livrer la bataille car s'il bat Marius, la route de Rome sera ouverte pour lui. Sylla veut donc rassembler un maximum de forces avant d'engager le combat. Aussi, il appelle en renfort les troupes d'un de ses légats, Gnaeus Cornelius Dolabella, qui campent assez loin de sa position. Marius veut empêcher la jonction des deux armées et poste ses troupes le long des voies et des chemins. ''Les troupes de Sylla voulurent les en déloger, afin d'ouvrir les passages à leurs camarades. Ils étaient déjà fatigués de ce travail et des combats qu'il fallait livrer, lorsqu'il survint une forte pluie qui leur ôta toutes leurs forces. Les officiers, les voyant dans cet état, allèrent trouver Sylla, et, lui montrant les soldats abattus par la fatigue et couchés à terre sur leurs boucliers, ils le prièrent de différer la bataille. Sylla y consentit, quoique avec peine, et donna l'ordre de camper. Ils commençaient à faire les retranchements, lorsque Marius s'avança fièrement à cheval jusqu'aux palissades, dans l'espérance de les surprendre en désordre et de les disperser facilement'', raconte Plutarque. En voyant Marius les défier, les légionnaires de Sylla ''irrités des bravades de Marius, interrompent leurs travaux, plantent leurs piques sur le bord du fossé, et, mettant l'épée à la main, ils fondent avec de grands cris sur les troupes ennemies'', rapporte encore Plutarque.

Les vétérans de Sylla

La bataille commença avec beaucoup d'ardeur des deux côtés. Mais les vétérans de Sylla finissent par prendre l'avantage sur les troupes de Marius, et l'aile gauche commence à céder. Et c'est à ce moment que la Fortune se montra une nouvelle fois favorable envers Sylla. ''Au moment où l'aile gauche commençait à céder, cinq cohortes d'infanterie et deux de cavalerie, qui ne crurent pas devoir attendre le moment de la déroute, jetèrent leurs enseignes toutes ensemble et se tournèrent du côté de Sylla. Cette défection marqua immédiatement le début de la défaite de Marius'', relate Appien. Comment des soldats peuvent-ils changer de camp en pleine bataille? Il semblerait que ce soit parce que le consul ne prit même pas part au combat! ''Quelques historiens, du nombre desquels est Fenestella, prétendent que Marius ne se trouva pas même à la bataille; qu'accablé de lassitude et de ses longues veilles, après avoir donné le mot pour la bataille, il se coucha par terre sous un arbre, et s'y endormit si profondément qu'il ne fut réveillé qu'avec peine par le bruit de la déroute'', explique Plutarque. Les troupes de Marius, voyant qu'elles n'avaient plus aucune chance de vaincre, s'enfuirent vers la ville de Praeneste toute proche. En les voyant arriver, les habitants ouvrirent les portes, mais les refermèrent aussitôt qu'ils aperçurent l'armée de Sylla fonçant vers la ville. Marius arrivait à ce moment là. Il fallut lui jeter une corde et le hisser par-dessus les remparts. C'était trop tard pour le reste de son armée. Les hommes de Sylla firent un véritable carnage devant les murs de la ville. 20 000 soldats du consul furent massacrés, dont tous les Samnites. Sylla "ordonna qu'on passât au fil de l'épée tous les Samnites qui furent du nombre, comme imperturbables ennemis des Romains", précise Appien. Le proconsul fit entre autre 8 000 prisonniers. De son côté, Marius a réussi à sauver 10 500 de ses soldats.

Lucius Cornelius, voyant Marius et le reste de son armée enfermés à Praeneste, commença à mettre le siège devant la ville. Il fit construire des murs et des fossés à grandes distances de la cité. Aucun ravitaillement, aucune armée ne devait passer. Sylla était décidé à réduire la ville par la faim.

Praeneste

Pendant ce temps, le consul Marius, sentant sa défaite prochaine se hâta de faire parvenir une lettre au préteur urbain, Lucius Junius Brutus Damasippus. Il lui demanda de convoquer le Sénat sous un prétexte quelconque et de mettre à mort en pleine séance tous les partisans de Sylla. Marius le Jeune citait les premiers noms de ceux qu'il voulait voir exécuté: Publius Antistius, le beau-père de Pompée, Gaius Papirius Carbo Arvina, Lucius Domitius Ahenobarbus et Quintus Mucius Scaevola, le Pontifex Maximus. Le préteur urbain appliqua cet ordre à la lettre. Tous les quatre furent exécutés par des prétoriens en pleine séance. Leurs têtes furent exposées sur les rostres et leur corps jetés dans le Tibre sans sépulture. Une partie des autres sénateurs, dit ''neutres'', avaient déjà quittés les bancs du Sénat depuis quelques temps pour aller rejoindre Sylla. Parmi eux, le prince du sénat, Lucius Valerius Flaccus, le gouverneur de la Gaule, Gaius Valerius Flaccus et Lucius Sergius Catilina. Quintus Lucretius Ofella rejoint lui aussi Sylla. C'était en fait l'un des préteurs de l'armée de Marius, sans doute celui qui s'est rallié à Sylla en plein milieu de la bataille de Sacriportus.

ACTE IV: LA SECONDE MARCHE SUR ROME

Apprenant le massacre qui s'est déroulé en plein milieu du Sénat, Sylla décide de faire marcher ses troupes une nouvelle fois sur Rome, et il laisse Ofella mener le siège de Praeneste. Ce choix militaire de Sylla ne plut pas du tout à ses amis et ralliés de la première heure. Et les critiques furent des plus vives à ce sujet: ''Sylla confia son armée à un chef qui ne s'était distingué, ni comme général, ni d'aucune autre manière. Il avait pourtant auprès de lui une foule d'hommes d'une expérience et d'une habileté consommées, qui avaient embrassé sa cause dès le principe et qu'il avait trouvés jusqu'alors d'une fidélité à tout épreuve, dans les circonstances les plus critiques'', remarque Dion Cassius. Pourquoi Ofella dirigerait-il le siège de Praeneste? ''Sylla agissait ainsi dans la persuasion que de tels hommes seraient prêts à seconder tous ses desseins, même les plus blâmables: il pensait qu'ils se montreraient fort reconnaissants pour le moindre bienfait et ne s'attribueraient jamais aucune action ni aucune résolution. Les citoyens de mérite, au contraire, loin de s'associer à ses entreprises, les condamneraient: ils exigeraient des récompenses proportionnées à leurs services, les recevraient comme une chose due, sans témoigner aucune reconnaissance, et revendiqueraient, comme leur propre ouvrage, toutes les actions et toutes les résolutions'' précise Dion Cassius. Sylla voulait sans doute faire assiéger Marius par celui qui avait précipité sa défaite, et reléguer le siège de Praeneste à un règlement de compte entre populares. C'était peut-être aussi le plus sûr moyen de vérifier la nouvelle loyauté d'Ofella, et surtout d'éviter de l'avoir dans son état major pendant sa marche sur Rome. Bref, Lucius Cornelius ne voulait pas l'avoir avec lui et lui donner un poste en vue était le meilleur moyen de le contrôler.

Pendant ce temps, sur le front nord, le proconsul Metellus Pius bat l'armée de Carbo. La Fortune est décidemment du côté des optimates car au milieu de la bataille, cinq cohortes du consul passent du côté de Metellus! De son côté, Pompée bat l'armée de Gaius Marcius Censorinus près de Sena Gallica, puis s'empare de la ville car elle s'était déclarée en faveur des consuls.

Une des portes de Rome

Plus aucune armée consulaire ne séparait Lucius Cornelius Sylla de Rome. Pour plus de sécurité, Sylla fit avancer ses cohortes par plusieurs chemins, dans le but de s'emparer de toutes les portes de la ville. Si jamais son armée rencontrait de la résistance, elle avait ordre de se replier sur Ostie. Mais les populations se souvenaient fort bien de sa première marche sur Rome, et personne n'avait l'intention de résister à l'armée de Sylla. ''La terreur fit ouvrir les villes qui se trouvèrent sur leur route; et Rome même, déjà assaillie par la famine, et accoutumée au milieu de ses calamités à tomber de mal en pis, ouvrit ses portes à leur approche'', relate Appien. Lorsque Lucius Cornelius apprit que Rome avait ouvert ses portes devant son armée, il s'y rendit immédiatement. Il fit tout d'abord camper ses troupes sur le Champ de Mars, puis entra seul dans la ville. Jamais il n'a été aussi heureux que ce jour. ''De toute la nuit, il ne dormit pas un seul instant. Sa joie et son allégresse excessive était comme un vent qui emportait son âme'', rapporte Plutarque d'après les Commentaires de Sylla.

A l'arrivée de Sylla, les sénateurs du parti des populares quittèrent immédiatement la ville. C'était une bonne nouvelle pour Lucius Cornelius qui, ayant besoin d'argent pour payer ses troupes, confisqua les biens des sénateurs en fuite et les mit immédiatement en vente. Ensuite, il convoqua une assemblée du peuple. ''Il rejeta sur la nécessité les malheurs du moment; il invita à prendre courage; il fit espérer que la guerre allait incessamment se terminer et que la République serait rétablie sur un pied convenable'', rapporte Appien. Après avoir régler les affaires les plus urgentes, l'Imperator quitta Rome pour terminer la guerre et en finir avec Carbo et les populares.

ACTE V: CARBO S'ENFUIT LACHEMENT

Lucius Sylla se rendit à Clusium, où se trouvait Carbo. Entre temps, les consuls avaient reçu des renforts venus d'Ibérie, peut-être envoyés par Sertorius. Il s'agissait d'un gros contingent de cavalerie. La bataille s'engagea au bord du fleuve Glanis. Et comme si un usage semblait s'établir depuis le début de la guerre, dès que l'armée de Sylla commença à prendre le dessus, les troupes ennemies se joignirent à lui en plein combat! Résultat de cette bataille: 50 cavaliers ennemis tués, 270 celtibères qui rejoignent le proconsul, et Carbo qui fit égorger ceux qui lui restèrent fidèles, ''soit par ressentiment de la défection de leurs camarades, soit par crainte qu'ils n'imitassent leur exemple'', explique Appien. Puis Lucius Cornelius battit une autre armée près de Saturnia.

Pendant ce temps, Metellus, qui s'était rendu avec son armée à Ravenne par la mer, prit position de la campagne autour de la ville car elle était riche en froment; il s'agissait de s'assurer du ravitaillement pour ses troupes. Toujours dans le même temps, une autre troupe de Sylla entra de nuit dans Naples à la suite d'une trahison et s'empara de tous les navires de la ville.

Puis, Sylla et Carbo se décidèrent à s'affronter près de Clusium. Ce fut une rude bataille qui dura toute la journée, jusqu'à la tombée de la nuit. Ce jour-là, il n'y eut ni vainqueur, ni vaincu. Carbo restait à Clusium.

Une rude bataille à Clusium

De leur côté, Pompée et Crassus, dans la plaine de Spolète, menèrent une bataille contre Carrinas. Ils vanquirent, tuèrent 3 000 ennemis et assiégèrent Carrinas. L'apprenant, Carbo décida de se porter à son secours et envoya un détachement. Sylla ne perdit rien de ce mouvement et, à la faveur d'une embuscade, il tomba sur les hommes de Carbo et tua 2 000 soldats. ''Carrinas fut réduit à saisir l'occasion d'une nuit profonde et d'une abondante pluie pour échapper à l'ennemi, qui eut connaissance de son projet mais à qui le mauvais temps ôta l'envie de le contrarier'', relate Appien.

Le siège de Praeneste est efficace. La ville commence à souffrir de la famine. Le consul Marius doit trouver un moyen de forcer le blocus. Surtout, il attend des renforts de Carbo. L'autre consul décida de lui envoyer Gaius Marcius Censorinus et huit légions pour le délivrer. Cette expédition ne fut pas de tout repos pour Censorinus. ''Pompée, qui s'était mis en embuscade dans un défilé, tomba sur cette armée, la battit, tua beaucoup de monde, et cerna le reste sur une éminence. Mais Marcius s'échappa, en se retirant sans avoir éteint ses feux. Son armée lui imputa les effets de l'embuscade, comme une faute de sa part. La sédition se mit grièvement de la partie, et une légion entière, avec ses enseignes, prit sans son ordre le chemin d'Ariminum. Les autres soldats se retirèrent à la débandade, chacun dans sa patrie; de manière qu'il ne resta auprès de Marcius que sept cohortes. Après ces mauvais succès, Marcius retourna vers Carbo'', raconte Appien. Malgré cet échec, les populares souhaitaient toujours aller délivrer Marius. Mais cette fois-ci, ce n'était plus une armée romaine qui arrivait en renfort, mais les plus irréductibles des Italiques, ceux-là même que Sylla, puis Metellus avaient assiégé à Nola avant que Gaius Marius n'accède à toutes leurs exigences pour les attirer dans son camp. Ces Italiques avaient trois chefs, Marcius Lamponius le Lucanien, Pontius Telesinus, le Samnite et Gutta, le Capouan, et composaient une armée de 70 000 hommes. Cependant, Sylla tenait la route au sud de Praeneste et empêcha le passage de cette armée en tenant le seul défilé qui menait à la ville. Les Italiques furent contraints de faire demi-tour. Marius le Jeune ne pouvait donc compter sur aucun appui extérieur pour venir l'aider. Il décida donc de fabriquer des machines pour percer les lignes d'Ofella. Mais après plusieurs tentatives infructueuses, Gaius Marius du renoncer à forcer le blocus. Il était bel et bien prisonnier de Sylla.

Pendant ce temps, Carbo et Norbanus décidèrent d'unir leurs forces et de se concentrer sur l'armée de Metellus, qui leur semblait la plus faible du camp des optimates. Ils décidèrent de l'attaquer par surprise, près de Faventia, dans un lieu plein de vignobles, et une heure avant la tombée de la nuit. Les légionnaires de Metellus sortirent donc de leur camp et taillèrent en pièces l'armée adverse qui fut forcée de se disperser à travers les vignobles. Bilan de la bataille: 10 000 ennemis massacrés, 6000 qui avaient changé de camp en cours de combat, et 1 000 soldats qui réussissent à s'enfuir en bon ordre. Apprenant cette nouvelle défaite, une légion d'Albinovanus, vint rejoindre l'armée de Metellus. Albinovanus alla cependant rejoindre Norbanus, puis décida de le trahir. ''Il traita clandestinement avec Sylla pour son impunité, à condition qu'il ferait quelque chose de remarquable pour son service. En effet, il invita à un repas Norbanus et les autres généraux qui étaient auprès de lui, Gaius Antipater, Flavius Fimbria, le frère de celui qui s'était suicidé en Asie, et tous les autres chefs du parti de Carbo qui étaient dans ce voisinage. Aussitôt qu'ils furent arrivés, à l'exception de Norbanus, car il fut le seul qui ne s'y rendit pas, Albinovanus prit les mesures nécessaires pour les faire tous égorger pendant le repas, et il se sauva auprès de Sylla'', relate Appien. Informé de ce qui s'était passé, Gaius Norbanus ne se sentit plus en sécurité en Italie. Cela d'autant plus que la ville d'Arminium et les camps environnant venaient de se joindre en masse à Sylla. Norbanus monta donc à bord du premier bateau quittant l'Italie et s'enfuit à Rhodes.

Albinovanus réunit les ennemis de Sylla à un repas

Bien que Sylla tienne toujours aussi bien Praeneste et le défilé menant à la ville, Carbo ne désespérait pas de forcer le blocus. Il envoya cette fois le préteur urbain Brutus Damasippus à la tête de deux légions prendre le défilé. Une nouvelle fois, les populares furent repoussés par Sylla. Pendant ce temps, toute la Gaule Cisalpine passa du côté de Metellus et Marcus Lucullus battit une autre armée à Plaisance. Le consul Carbo pouvait encore compter sur près de 20 000 soldats campant près de Clusium, des deux légions de Damasippus, des troupes de Carrinas et de Marcius Censorinus, ainsi que des irréductibles Samnites qui menaient à Sylla une guérilla incessante près de Praeneste. Pourtant, le consul se conduisit comme un lâche et, sentant qu'il était en train de perdre, il s'enfuit avec ses amis en Afrique. Comme l'avait fait Sertorius avant lui, il se repliait loin de l'Italie avec l'espoir de continuer le combat loin de Sylla…

Sans leur chef, les 20 000 soldats consulaires furent taillés en pièces par Pompée dans une bataille qu'ils livrèrent près de Clusium. Après ce combat, les survivants déposèrent les armes et rentrèrent chez eux. Pour les populares, il ne restait plus qu'à unir leurs forces restantes aux irréductibles Italiques. Brutus Damasippus, Carrinas et Marcius Censorinus rassemblèrent leurs troupes et s'associèrent à Télésinus pour tenter une dernière fois de délivrer Marius. Mais Télésinus fut informé que Sylla arrivait pour l'attaquer par l'avant, et dans le même temps, Pompée arrivait aussi avec son armée pour lui couper la retraite par l'arrière. Se sentant enfermé entre deux armées, Télésinus le Samnite, devenu le chef de l'armée des populares, changea alors de tactique. Il décida de marcher sur Rome, qu'il savait sans soldats et sans ravitaillements. Il espérait donc pouvoir facilement s'en emparer…

ACTE FINAL: LA PORTE COLLINE

Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, Télésinus et l'armée populares coalisée, quittent leur camp et foncent droit sur Rome, pour finalement campé à 2 km de la Porte Colline. ''A dix stades de la porte Colline, il s'arrêta et passa la nuit devant les murailles, se glorifiant de sa hardiesse, et concevant de grandes espérances de ce qu'il avait donné le change à tant et à de si grands capitaines'', rapporte Plutarque.

Cependant, les Romains, en voyant arriver cette armée décidèrent de combattre sans attendre les renforts de Sylla et de Pompée. ''A la pointe du jour, un grand nombre de jeunes gens des premières maisons de Rome étant sortis à cheval pour escarmoucher contre lui, il en tua plusieurs, et entre autres Appius Claudius, jeune homme aussi distingué par son courage que par sa naissance'', raconte Plutarque. Alors la panique commença à envahir les rues de Rome…

Sylla fut rapidement informé de la marche de Télésinus et immédiatement, il eut très peur que les Samnites et les populares mettent la ville à sac. Les Samnites étaient ses ennemis personnels depuis qu'il les avait écrasé pendant la guerre civile, quant aux populares, ils l'avaient déclaré ennemi public, rasé sa maison, assassiné ses amis et ses partisans, et allumé la guerre civile dès qu'il a eu le dos tourné. Et comme maintenant, c'était lui le maître de Rome, il craignait, sans doute à juste titre, que ses ennemis ne se vengent de lui en attaquant la ville.

L'Imperator envoya immédiatement sa cavalerie en avant-garde. Son légat Balbus avec 700 cavaliers se lança à bride abattue sur la route de l'Urbs. Après avoir donné un peu de repos à ses hommes, il allait lancer l'attaque, lorsque Sylla et son armée arrivèrent après une marche forcée. Lucius Cornelius installa son camp près du temple de Vénus Erycine, à 500 m de la Porte Colline. Ces opérations de manœuvres prirent une bonne partie de l'après-midi.

Sylla décida de n'attaquer que lorsque toute son armée serait arrivée et se serait ravitaillée. Il avait devant lui tous ses ennemis regroupés aux portes de Rome, et pouvait en finir une bonne fois pour toute avec la Guerre Sociale contre les irréductibles Samnites, mais aussi avec la Guerre Civile qu'avait propagée son vieil ennemi Caius Marius. Pour Sylla, c'était donc la dernière bataille…

Un dernier combat à livrer

''Torquatus et Dolabella le conjurèrent de ne pas s'exposer à tout perdre en menant à l'ennemi des troupes excédées de fatigue; ils lui représentaient qu'il n'avait pas affaire à un Carbo, à un Marius, mais aux Samnites et aux Lucaniens, les deux peuples les plus belliqueux et les plus ardents ennemis des Romains. Sylla, sans écouter leurs représentations, ordonne aux trompettes de donner le signal, quoique le jour baissât, et qu'on fût déjà à la dixième heure'', relate Plutarque. Le combat s'engagea vers 15h30, et fut le plus rude des deux guerres, car tous savaient que tout ce gagnait ou ce perdait sur cette seule bataille. Télésinus fut le plus acharné. Il criait à ses soldats que le dernier jour de Rome était arrivé, qu'ils allaient détruire et raser la ville, que le taureau samnite allait enfin écraser la louve romaine, ''ajoutant qu'il y aurait toujours des loups prêts à ravir la liberté de l'Italie, si on ne rasait la forêt qui était leur habituel refuge'', rapporte Velleius Paterculus. De son côté, Sylla ne se ménageait pas lui non plus, exhortant ses légionnaires à en finir avec leurs ennemis. L'aile droite, commandée par Crassus, se battait contre le reste de l'armée des consuls. Crassus remporta aisément le combat de son côté. Pour l'aile gauche, qui affrontait les Samnites, le combat était beaucoup plus dur et les légionnaires de Sylla commencèrent à céder. Voyant cela, Lucius Cornelius, monté sur son cheval blanc pour que l'on puisse aisément le reconnaître dans les batailles, fonça vers son aile gauche. A ce moment-là, deux Samnites lancèrent deux javelots dans sa direction avec une extrême précision. Sylla ne les voit pas. Par la grâce de la Fortune, son écuyer les voit arriver. Il donne alors un grand coup de fouet au cheval qui s'emballa aussitôt et les deux javelots rasèrent sa queue. Lucius Sylla venait d'échapper de justesse à la mort. Le comprenant, il sortit aussitôt de dessous sa cuirasse une petite figure en or d'Apollon qui venait de Delphes et qu'il emportait partout avec lui. Il la baisa en signe de reconnaissance et adressa cette prière au dieu: ''Ô Apollon Pythien, toi qui a comblé d'honneur et de gloire Lucius Cornelius Sylla l'Heureux, toi qui l'a fait sortir victorieux de tant de combats, veux-tu le renverser ici-même, aux portes de Rome, pour qu'il périsse avec ses concitoyens en sauvant sa patrie?'' Lucius Cornelius venait à peine d'achever sa prière qu'il se jeta dans la bataille avec une rage renouvelée. ''Se jetant au milieu de ses soldats, il emploie tour à tour les prières et les menaces, et en saisit même quelques-uns pour les ramener au combat'', rapporte Plutarque. Mais Sylla ne peut empêcher l'aile gauche de céder face aux Samnites. Plusieurs de ses soldats s'enfuirent alors vers la Porte Colline pour se réfugier dans la ville. Entre temps, beaucoup de Romains étaient sortis de la ville pour assister à la bataille. Certains furent bousculés et même écrasés par les chevaux et les soldats de Sylla fuyant les Samnites. Mais les vétérans que l'Imperator avait laissés de garde les empêchèrent de rentrer. ''Ils fermèrent la porte en lâchant la herse, qui, en tombant, écrasa beaucoup de soldats, et aussi beaucoup de sénateurs'', raconte Appien. Les légionnaires de Sylla n'eurent alors plus d'autre choix que de faire face à l'ennemi. Pendant ce temps, l'aile gauche céda entièrement. Sylla voulait continuer à combattre, mais ses soldats l'entrainèrent dans son camp en même temps qu'eux-mêmes se repliaient. Beaucoup de ses officiers et de ses partisans trouvèrent la mort dans cette bataille.

A cet instant, beaucoup pensèrent que Sylla avait perdu le combat. Des soldats de l'Imperator s'enfuirent ou coururent le plus rapidement possible en direction de Praeneste et de Lucretius Ofella. Ils lui dirent que Sylla venait d'être tué et que la ville était aux mains de l'ennemi. Et il s'en fallut de peu qu'Ofella ne lève de siège.

Crassus vainqueur à la Porte Colline

La nuit tombait sur Rome, mais le combat était toujours aussi acharné. Des deux côtés, on se battait avec l'énergie du désespoir. Les optimates réussirent finalement à faire la différence grâce à Crassus. Après avoir poursuivit le reste de l'armée des consuls qui s'enfuyait, Crassus et sa cavalerie revenaient après avoir achevés leurs ennemis. Ils prirent les Samnites à revers et firent un véritable massacre. Après la première heure de la nuit, dans l'obscurité la plus totale, les Samnites cédèrent enfin et se replièrent vers leur camp. Les Romains les poursuivirent et prirent d'assaut leur camp. D'autres s'enfuirent et Crassus et sa cavalerie les poursuivirent jusqu'à Antemna.

C'est au milieu de la nuit que Sylla reçut un courrier de Crassus. Celui-ci réclamait à souper pour lui et pour ses soldats. Il écrivait aussi à Sylla qu'après avoir vaincu les ennemis, il les avait poursuivi jusqu'à Antemna et qu'il campait devant cette ville. Lucius Cornelius Sylla était heureux, il tenait enfin sa victoire et allait pouvoir se venger de ses ennemis…

...suite