An de Rome 671 (-83) Lucius Sylla, avec ses cinq légions plus quelques auxiliaires, soit 30 000 hommes, traversa la Thessalie et Macédoine pour embarquer à Dyrrachium. Cette fois, il disposait d'une flotte de 1200 navires. Cependant, l'Imperator n'avait pourtant pas une absolue confiance dans ses légionnaires. ''Lorsqu'il fut prêt à embarquer ses troupes, il parut craindre que les soldats, une fois arrivés en Italie, ne voulussent se débander, et se retirer chacun dans sa ville; mais ils vinrent tous d'eux-mêmes lui jurer qu'ils resteraient aux drapeaux, et qu'ils ne commettraient volontairement aucune violence dans l'Italie. Ensuite, sachant qu'il avait besoin de beaucoup d'argent, ils contribuèrent chacun selon ses facultés, et lui apportèrent ce qu'ils avaient pu ramasser entre eux. Sylla ne voulut pas recevoir leur don, et, après avoir loué leur bonne volonté, après les avoir encouragés, il traversa la mer, pour aller, comme il le dit lui-même, contre quinze chefs de factions, qui tous étaient ses ennemis, et avaient sous leurs ordres quatre cent cinquante cohortes'', rapporte Plutarque. Sylla allait donc devoir affronter près de 200 000 légionnaires romains, autrement plus disciplinés que les barbares asiatiques d'Archélaos. La tâche ne s'annonçait pas facile… Quant aux ''15 chefs de factions qui étaient tous ses ennemis'', il s'agissait de: Gnaeus Papirius Carbo, Quintus Sertorius, Gaius Norbanus, Lucius Cornelius Scipio Asiaticus, Gaius Marcius Censorinus, Publius Tullius Albinovanus, Publius Cornelius Cethegus, Marcus Plaetorius, Gnaeus Domitius Ahenobarbus, Marcus Perpenna Vento, Gaius Carrinas, Flavius Fimbria, Gaius Coelius Antipater, Lucius Junius Brutus Damasippus et Gaius Marius le Jeune.

LA REPUBLIQUE EN RUINE

A Rome, ces dernières années, ce sont surtout les problèmes d'argent qui ont été les plus difficiles à régler. En effet, après la guerre civile, Sylla n'avait eu assez d'argent que pour équiper cinq légions pour la guerre contre Mithridate, et juste pour quelques mois. Cela signifie qu'il ne restait rien dans les caisses de l'Etat. Comment les Populares, Cinna, Flaccus et Carbo ont-ils gérer les finances publiques? Ils ont voté un décret pour l'altération des monnaies. Cela n'a pas suffi. L'argent était rare, les dettes s'accumulaient, les crédits n'étaient plus ni avancés, ni remboursés, et on altérait, c'est-à-dire que l'on dévaluait la monnaie un peu n'importe comment, ce qui aggrava encore la crise monétaire. Alors les tribuns de la plèbe se réunirent pour fixer les normes de la dévaluation monétaire. Ils se réunirent le matin, et décidèrent d'annoncer au peuple de Rome le vote de la loi dans l'après-midi. C'était une mauvaise idée, car le préteur Marcus Marius Gratidianus, un neveu de feu Gaius Marius, passa outre les décisions des tribuns et annonça la loi sur la dévaluation monétaire à midi, tout seul au milieu du forum. Gratidianus voulait se faire élire consul et cherchait par tous les moyens à se rendre populaire. De son côté, le peuple de Rome, très heureux de cette nouvelle loi, pensait qu'elle venait du seul Gratidianus et non des tribuns de la plèbe. Aussi les Romains élevèrent des statues de Gratidianus dans toute la ville, tellement les finances et l'administration de la ville étaient mal gérées. En outre, les Romains n'aimaient pas non plus leur nouveau consul Carbo. ''C'était un tyran plus stupide encore que son prédécesseur; et le retour de Sylla combla les vœux de la plupart des Romains, qui, dans l'accablement de leurs maux actuels, croyaient que changer de maître, c'était encore un assez grand avantage. Les malheurs de la Ville l'avaient réduite à renier la liberté pour ne chercher qu'un esclavage plus supportable'', rapporte Plutarque. En voyant cela, Sylla finira par écrire dans ses Commentaires que ''La République était parvenue à un tel état de ruine…''

Pendant ce temps, la chronique romaine faisait plus ample connaissance avec Gnaeus Pompeius, le fils de Pompeius Strabo. En effet, les Populares, à la recherche d'argent pour renflouer les caisses de l'Etat, accusèrent l'ancien consul décédé d'avoir spolié le bien public lors de la Guerre Sociale. Son fils Pompée se rendit donc à Rome défendre la mémoire de son père, et il la défendit si bien que le préteur Antistius, qui présidait le jury, l'acquitta et le maria à sa fille Antistia.

De leur côté, les ennemis des Populares, et par conséquent les amis de Sylla, avait été contraint à l'exil. Ainsi, Marcus Licinus Crassus, dont le père et le frère aîné avait été exécuté par Marius, s'était réfugié en Espagne. Mais même là-bas, les Populares sévissaient, et Crassus du se cacher dans une grotte pendant huit mois avec trois de ses amis et dix de ses esclaves qui avaient réussi à s'enfuir avec lui. Crassus sorti de sa cachette quand on lui rapporta la mort de Cinna et le retour de Sylla. Déterminé à rentrer en Italie et à faire la guerre aux assassins de son père et de son frère, il rassembla une armée de 2 500 hommes et passa en Afrique rejoindre Metellus Pius, qui s'activait lui aussi de son côté. Cependant, Crassus et Metellus ne s'entendirent pas entre eux et Crassus préféra rentrer seul en Italie avec ses troupes.

En Afrique, Metellus Pius recrutait lui aussi son armée, mais il finit par se faire chasser de la province par le préteur Caius Fabius et il dut retourner en Italie. Il se cacha dans les montagnes de Ligurie jusqu'au débarquement de Sylla.

LES POPULARES S'ARMENT CONTRE SYLLA

A Rome, Carbo ne brigua pas un nouveau consulat, et Lucius Cornelius Scipio Asiaticus et Caius Norbanus furent nommés. Leur première loi en tant que consuls fut d'ordonner de licencier toutes les armées. Par cette loi, ils voulaient surtout désarmer Sylla pendant qu'eux-mêmes armaient toute l'Italie contre le proconsul d'Asie. Si Scipio Asiaticus passait pour un modéré, il avait été gouverneur de Macédoine en 669 (-85) et détestait cordialement Sylla. Gaius Norbanus était par contre l'un des populares les plus convaincus, puisqu'il avait été l'un des plus fervents partisans du tribun Saturninus. Quant à Carbo, il connaissait assez bien à Sylla pour savoir qu'il avait tout à redouter de sa vengeance. ''Gaius Norbanus et Lucius Scipio, alors consuls, et, avec eux, Carbo, qui l'était l'année précédente, unis par leur commune haine contre Sylla et par une peur beaucoup plus forte que celle des autres, car ils étaient conscients d'avoir commis des actes pires, levèrent dans Rome une armée aussi nombreuse qu'il leur fût possible; et, après l'avoir réunie à celle que fournirent les villes alliées de l'Italie, ils marchèrent contre Sylla en détachements séparés, ayant d'abord sous leurs ordres deux cents cohortes de cinq cents hommes. Ils ne tardèrent pas à en avoir un plus grand nombre; car la bienveillance des citoyens envers les consuls y faisait beaucoup. Sylla, en effet, avait l'air d'un ennemi qui venait attaquer la patrie, au lieu que les consuls semblaient ne défendre que cette patrie tandis qu'ils ne défendaient que leur propre cause. Ils avaient d'ailleurs pour auxiliaires beaucoup de ceux qui, ayant coopéré avec eux aux maux précédents, croyaient en devoir comme eux redouter les suites. Ils connaissaient assez bien Sylla pour savoir qu'il ne se contenterait pas d'infliger quelques châtiments, de remettre les choses dans l'état où il les avait laissées, d'en imposer à ses antagonistes, mais qu'il lui faudrait des ruines, des morts, des confiscations, une extermination massive et totale'', rapporte Appien. Ainsi apparaissait Lucius Cornelius Sylla aux yeux de ses ennemis.

Un denier de Gaius Norbanus

Et beaucoup comprenait sa colère: ''D'un autre côté, ceux des citoyens de Rome qui connaissaient bien le fond de son caractère, qui avaient encore devant les yeux le tableau de sa première entrée à Rome à la tête des légions et la prise de la ville, qui se souvenaient des décrets qu'ils avaient pris contre lui, qui songeaient à sa maison renversée de fond en comble, à ses biens confisqués, à ses amis égorgés, à sa famille qui avait eu tant de peine à se sauver, étaient pleins de terreur; et, sentant qu'il n'y avait point de milieu pour eux entre la victoire ou la mort, ils appuyaient en tremblant les mesures que les consuls préparaient contre Sylla. On parcourait l'Italie, ramassant des troupes, des vivres et de l'argent, avec la plus grande activité et le plus grand zèle, comme dans le plus critique danger'', ajoute Appien. Tous ses adversaires savaient donc pertinemment que Sylla ne leur pardonnerait rien et qu'ils allaient payer très chers leur crime. Ainsi, c'est sur sa réputation d'homme avide de vengeance et de pouvoir, que se recrutèrent en masse ceux qui ne voulaient pas le voir une nouvelle fois à la tête de Rome. Personne n'imaginait qu'une fois qu'il aurait châtié ses ennemis, il se contenterait d'en rester là. Tous savaient que Sylla préparait une seconde marche sur Rome et qu'il s'apprêtait à reprendre la ville en main. Et beaucoup pensaient qu'il allait régler les affaires de Rome comme il avait régler les affaires de la Grèce et de l'Asie, par l'épée.

CRASSUS ET METELLUS REJOIGNENT SYLLA

Le proconsul d'Asie débarqua au printemps à Brindisium. La ville lui ouvrit toutes grandes ses portes et Lucius Sylla vit dans cet accueil un excellent présage, si bien qu'il exempta d'impôts la cité. Sylla s'avança ensuite vers la Campanie sans rencontrer de résistance. Entretemps, Marcus Crassus était venu le rejoindre. Il ''lui fit l'accueil le plus distingué et le traita avec autant d'égard qu'aucun de ses amis'', rapporte Plutarque. Puis en Campanie, se fut Metellus Pius qui vint le retrouver avec une armée. ''Metellus se déclara pour Sylla et lui fut très utile: comme il avait une grande réputation de piété et de justice, plusieurs citoyens, même du parti contraire, persuadés que Metellus ne s'était pas rallié à Sylla inconsidérément, mais parce que sa cause était réellement la plus juste et la plus favorable aux intérêts de la patrie, se réunirent â Sylla et à Metellus'', raconte Dion Cassius. Metellus Pius avait encore sa fonction de propréteur, avec le titre de proconsul qu'il conservait depuis la Guerre Sociale. Lucius Cornelius, considérant qu'il exerçait une charge égale à la sienne, le traita sur un pied d'égalité. Tous deux se partageait donc le commandement de la reconquête de Rome.

ACTE I: SYLLA BAT NORBANUS

En arrivant en Campanie, Sylla se retrouva non loin de l'armée du consul Gaius Norbanus, accompagné de Marius le Jeune. Lucius Cornelius voulait se montrer conciliant, et surtout éviter que les Romains ne s'entretuent entre eux. Déjà, il avait assuré dans sa lettre au sénat que la guerre Sociale était terminée et qu'il ne toucherait à aucun des nouveaux acquis des Italiques. Ceux-ci étaient désormais des citoyens romains et Sylla maintenait leur répartition dans les 35 tribus. Il espérait ainsi que les Italiques ne se remettrait pas en guerre contre lui, et c'est pourquoi lui et son armée avançait pacifiquement vers Rome. ''On aurait pu croire que Sylla était venu en Italie non pour provoquer la guerre mais pour susciter la paix, si paisible fut la marche de son armée à travers la Calabre et l'Apulie, si remarquable le respect qu'elle montra à l'égard des récoltes, des champs, des hommes, des villes lorsqu'il la mena en Campanie'', note Velleius Paterculus. Sylla voulut négocier avec Norbanus, qui se trouvait près de Casilinum. Norbanus voyait d'un très mauvais œil Sylla s'attirer les sympathies de la population. Aurait-elle oubliée que Sylla avait quitté l'Italie à la fois détesté du Peuple et du Sénat après les violences commises lors de sa marche sur Rome? Pour cette raison, Norbanus marcha sur lui afin de l'affronter pour mettre fin à sa popularité naissante. Ainsi le consul, en voyant arriver les envoyés de l'Imperator, les traita si mal qu'une fois revenus au camp, Sylla, ''sans se donner le temps de mettre ses troupes en bataille, et de leur assigner aucun poste, sans autre moyen que l'ardeur et l'audace de ses soldats'', les lança sur les armées de Norbanus et de Marius. Cette bataille-éclair surprit le camp des populares. Les légions de Sylla tuèrent 7 000 des hommes non expérimentés du consul, et en captura 6 000 autres. Les optimates eurent néanmoins un grand nombre de blessés. Norbanus fut poursuivi et il dut se réfugier à Capoue. Sylla fit immédiatement mettre la ville en état de siège. Les hommes de Sylla, qui jusqu'à là se posaient des questions quant aux ennemis qu'ils allaient affrontés, furent totalement rassurés. Les légionnaires du camp d'en face étaient peut-être les plus nombreux, mais ils ne savaient pas se battre aussi bien qu'eux. Et dès lors, ils ne cachèrent plus leur mépris pour les troupes des populares.

Les legions de Norbanus sont défaites

De son côté, Marcus Lucullus, le frère de Lucius et légat d'une des légions de Metellus Pius, campait près de Fidentia. Il avait 16 cohortes sous ses ordres et 50 devant lui. ''Il se fiait assez à la bonne volonté de ses soldats; mais, comme la plupart n'avaient pas d'armure complète, il balançait d'en venir aux mains avec l'ennemi. Pendant qu'il délibérait sans oser prendre son parti, il s'éleva tout à coup un vent doux et léger, qui, enlevant d'une prairie voisine une grande quantité de fleurs, les porta au milieu de ses troupes; il semblait qu'elles vinssent d'elles-mêmes se placer sur les boucliers et sur les casques des soldats, de manière qu'ils paraissaient, aux yeux de l'autre armée, couronnés de fleurs. Encouragés par cette espèce de prodige, ils tombèrent sur les ennemis avec tant de vigueur qu'ils remportèrent une pleine victoire, leur tuèrent plus de dix-huit mille hommes, et s'emparèrent de leur camp'', rapporte Plutarque. Incroyable prodige: avec Sylla, même les fleurs font la guerre!

ACTE II: SYLLA DEBAUCHE L'ARMEE DU CONSUL SCIPIO

Dans le camp des Optimates, le moral est au beau fixe après cette victoire. De son côté, le consul Scipio, informé de cette défaite, faisait marcher ses légions contre Sylla et Metellus. Scipio hésitait encore à affronter Sylla et il fit dresser son camp à Teanum Sidicinum. Mais les soldats des consuls étaient démoralisés et voulaient éviter de se battre contre les hommes des proconsuls. ''Instruit de cette disposition, Sylla envoya des députés à Scipio pour avoir l'air de négocier, non qu'il espérât ou qu'il désirât de se rapprocher; mais il comptait que cette démarche jetterait la sédition dans l'armée du consul'', rapporte Appien. De son côté, Scipio faisait lui aussi traîner l'affaire en longueur. Il avait envoyé Quintus Sertorius porter les propositions de paix de Sylla à Norbanus. On ne sait pas si Scipio croyait à une réelle chance de conciliation avec Lucius Sylla ou s'il voulait mettre ce temps à profit pour attendre des renforts. Ainsi, Sylla et Scipio se rencontrèrent plusieurs fois et conclurent une sorte de mini-trêve, Lucius Cornelius fournissant même des otages à Scipio en guise de bonne volonté. Mais pendant ce temps, Sylla et ses troupes jouaient de nouveau à leur tactique diplomatique préférée: débaucher les soldats du camp adverse. ''Il travaillait à corrompre ses troupes par l'entremise de ses propres soldats, qui, comme leur général, étaient exercés à toutes sortes de ruses et de tromperies. Ils entrèrent dans le camp des ennemis, se mêlèrent avec eux, gagnèrent les uns par argent, les autres par des promesses, ceux-ci par des flatteries'', relate Plutarque.

Mais alors que Sylla et Scipio respectait la trêve, Sertorius, qui connaissait Lucius Cornelius au moins aussi bien que Gaius Marius, préféra continuer la guerre car il ne croyait pas un instant à la ''paix armée'' de Sylla. Et en allant voir Norbanus, il attaqua la ville de Suesse, officiellement passée à Sylla. C'était donc une nouvelle déclaration de guerre. Informé, Sylla alla immédiatement se plaindre à Scipio que la trêve était rompue. Scipio ne répondit rien à Sylla et lui renvoya les otages. Le consul était en train de perdre ses avantages. ''L'armée qu'il avait sous ses ordres fit un crime aux consuls d'avoir agi d'une manière inconsidérée en s'emparant de Suesse pendant la trêve, ainsi que d'avoir renvoyé les otages sans qu'on les leur eût réclamés; et elle s'engagea clandestinement avec Sylla à passer de son côté, s'il approchait. Il s'approcha en effet, et toute l'armée du consul passa en entier dans le camp de Sylla; si bien que Scipio et Lucius, son fils, demeurés seuls de toute l'armée dans leur tente, sans savoir quel parti prendre, furent faits prisonniers par Sylla: chose inconcevable pour le chef d'une armée, que Scipio ait ignoré les projets de défection d'une armée entière!'' rapporte Appien. Et cela prouvait aussi à quel point la tactique diplomatique de Sylla était efficace! L'Imperator fit ainsi passer 25 000 légionnaires dans son camp et chercha à convaincre Scipio et son fils de rejoindre son camp. Scipio refusa et se démit de son consulat. Sylla se résigna donc à les laisser partir…

La première marche sur Rome

En apprenant cette nouvelle défaite, Papirius Carbo dit: ''En faisant la guerre au renard et au lion logé dans l'âme de Sylla, c'est du renard dont j'ai le plus à souffrir…''

L'Imperator, après s'être débarassé de Scipio, tenta une nouvelle négociation avec Norbanus. Il lui envoya à nouveau des émissaires, qui cette fois ne réapparurent pas. Carbo n'avait toujours aucune intention de négocier. Et la guerre civile reprit. Sylla livra au pillage de ses troupes les villes qui lui résistaient et Norbanus faisait pareil de son côté.

POMPEE REJOINT SYLLA

Alors qu'à Rome le Capitole est en feu, l'Italie et les Romains se partageaient en deux camps, celui des proconsuls et celui des consuls. De plus en plus nombreux étaient ceux qui allaient rejoindre Sylla, même les plus inattendus. Ainsi, Publius Cethegus, l'un des douze proscrits de la première marche sur Rome, arriva un jour dans le camp de Sylla! Cethegus se mit à genoux devant Sylla pour réclamer son pardon et pour lui offrir ses services. Lucius Sylla pardonna…

De son côté, Pompée, voyant que beaucoup de citoyens de son Picenum natal allaient rejoindre Sylla, se dit qu'il était temps de se mettre en marche. Mais il avait une certaine vision de la situation. Il ne voulait pas ''s'y réfugier à la dérobée, les mains vides et en solliciteur. Il voulait y faire une entrée glorieuse, après avoir, le premier, obligé Sylla, et avec une armée'', relate Plutarque. Il se rendit sur la place de la ville d'Auximum, dressa un tribunal et se transforma en véritable sergent recruteur. Au bout de quelques jours, il avait enrôlé une légion qu'il équipait entièrement à ses frais. A 23 ans, il s'autoproclamait général. Puis, il se mit en marche pour rejoindre Sylla, ''sans se presser, ni s'attacher à passer inaperçu. Bien au contraire, il s'arrêtait pour malmener les ennemis et travaillait à détourner de Carbo toutes les régions d'Italie où il passait'', ajoute Plutarque. En cours de route, Pompée se heurta à trois armées des populares commandées par Gaius Carrinas, Gaius Coelius Antipater et Lucius Iunius Brutus Damasippus. Ces généraux décidèrent d'attaquer Pompée sur trois fronts. Cela n'effraya pas le jeune général. ''Loin de trembler, il concentra toutes ses forces contre un seul camp, celui de Brutus. Sa cavalerie, qu'il commandait lui-même, allait en tête. Comme l'ennemi ripostait par une contre-attaque de la cavalerie gauloise, Pompée devança le plus vigoureux de l'escadron, et le premier à charger, en le frappant de sa lance et en le jetant à terre. Le reste de la cavalerie ennemie tourna le dos et jeta le désordre dans l'infanterie; une panique générale s'ensuivit. A la suite de cet échec les trois généraux se brouillèrent, et chacun d'eux battit en retraite au hasard. Quant aux villes, elles se rallièrent à Pompée, jugeant que c'était la peur qui avait dispersé les ennemis'', écrit Plutarque.

Pendant ce temps, Scipio, qui avait quitté Sylla sans être inquiété, s'était remis à la tête d'une nouvelle armée pour aller combattre Pompée. Mais Scipio connu les mêmes malheurs qu'avec Sylla. A peine les deux armées furent-elles face à face que celle de Scipio alla fraterniser avec les hommes de Pompée. Avant la fin de la journée, tous les légionnaires de Scipio avaient rejoint le jeune général, et l'ancien consul dut s'enfuir.

Le jeune Pompée

Puis Pompée se heurta à la cavalerie de Carbo près de rivière Aesis. ''Il résista vigoureusement et repoussa leur assaut; puis, en les poursuivant, il les força de se replier sur un terrain où la cavalerie ne pouvait guère évoluer, ni manœuvrer. Ces cavaliers, voyant la situation désespérée, finirent par se rendre avec leurs armes et leurs chevaux'', explique Plutarque.

De son côté, ''Sylla n'était pas encore instruit de ces succès; et les premiers bruits, les premiers échos recueillis lui donnèrent à craindre pour Pompée, obligé de se débattre contre tant et de si grands généraux ennemis; il se hâta donc d'aller à son secours. Pompée, sachant qu'il approchait, prescrivit aux officiers d'armer et d'équiper l'armée de toutes pièces, afin qu'elle se montrât au général en chef avec le plus de beauté et d'éclat possible; car il espérait de lui de grands honneurs. Il en obtint de plus grands. Sylla, le voyant s'avancer à la tête d'une armée admirable d'entrain et que ses succès transportaient de joie, sauta de son cheval; et salué, comme de juste, du titre d'Imperator, salua Pompée à son tour du même titre. Nul ne se serait attendu à le voir partager avec un homme jeune, et qui n'appartenait pas encore au Sénat, la dignité qu'il disputait par les armes aux Scipions et aux Marius!'', s'étonne Plutarque. Enfin, Sylla rencontrait un véritable chef militaire romain prêt à mettre trois légions parfaitement équipées à sa disposition! Qui plus est, Pompée se pliait littéralement en quatre pour lui plaire. Peu lui importait donc son âge ou sa condition, du moment qu'il lui apportait une excellente armée, cela méritait bien de lui décerner le titre d'imperator...

Voulant utiliser au mieux les capacités victorieuses de son jeune général, Sylla décida de l'envoyer en Gaule sur-le-champ, remplacer Metellus, qui connaissait des difficultés sur le front nord. Mais Pompée refusa cet honneur. ''Il déclara que ce ne serait pas beau, de sa part, d'ôter le commandement à un général plus âgé et plus connu que lui: ''Toutefois, ajouta-t-il, si Metellus m'invite, de bonne grâce, à venir faire campagne à ses côtés et l'assister, je suis prêt!'' Metellus accepta et lui écrivit de venir'', rapporte Plutarque.

L'automne arrivait et les opérations de recrutement se multipliaient. ''L'armée des consuls se renforçait chaque jour davantage, parce que la majeure partie de l'Italie leur restait fidèle, et qu'il leur venait des secours même de la Gaule transpadane. Sylla, de son côté, agissait également avec beaucoup d'activité; il envoyait des émissaires sur tous les points de l'Italie où il pouvait, s'attachant les uns par l'affection, les autres par la crainte, ceux-ci par des largesses, ceux-là par des espérances'', raconte Appien. Et Sylla envoya Crassus recruter des troupes parmi les Marses. Mais Marcus Licinus, qui devait traverser des régions aux mains des populares, réclama une escorte à son général. Sur quoi Lucius Cornelius Sylla répliqua avec colère: ''Je te donne pour escorte ton père, ton frère, tes amis, tes parents assassinés, au mépris des lois et de la justice et dont moi je poursuis les meurtriers''. Piqué au vif, Crassus réussit pendant l'hiver à rassembler une armée nombreuse. Cependant, comme les Italiques se souvenaient fort bien que Sylla les avaient mis à genoux pendant la Guerre Sociale, la plupart des régions se rangèrent du côté des populares, comme l'Etrurie, la Lucanie, le Samnium et la Campanie.

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