FIMBRIA TUE FLACCUS

Pendant que Sylla cumule les succès, l'autre armée romaine, celle de Flaccus et de Fimbria, continue à progresser en Asie. En effet, Sylla, retenu par Archélaos, ne peut diviser ses forces pour aller s'occuper du consul. Flaccus avait donc toute liberté pour aller attaquer Mithridate en personne. Il passe donc par la Thrace et arrive en Macédoine. Fimbria commandait l'avant-garde de l'armée et au lieu de soutenir les Macédoniens, bien malmenés par les troupes de Mithridate, il met à sac la région et réduit en esclavage les habitants de la région. Les Macédoniens allèrent donc se plaindre au consul Flaccus. Gaius Valerius délivra les esclaves, mais il s'attira la colère de Fimbria et des légionnaires. En effet, Flaccus était soupçonné de voler sur le butin des soldats. Ensuite, Flaccus et Fimbria allèrent prendre la ville de Philippes et défirent plusieurs fois des troupes Thraces. Mais au début de l'hiver, l'armée populares commença à souffrir de disette. Elle était à court de vivres et ne disposait d'aucune flotte. Flaccus atteignit Byzance à la fin de l'année.

An de Rome 669 (-85): Flaccus s'installa devant les murs de Byzance et se rendit seul dans la ville afin de négocier le passage de son armée en Chalcédoine. Fimbria en profita pour dresser les légionnaires contre leur général, en disant que Flaccus n'avait pas honte de les faire camper dans la neige et le froid alors qu'une ville pouvait les accueillir. Les soldats fondirent alors sur les portes de Byzance, entrèrent de force dans la ville et allèrent s'installer chez l'habitant. Flaccus se dépêcha donc de faire passer son armée. Il envoya Fimbria en avant-garde avec son questeur. Cependant, ''un jour, dans une auberge, il y eut une dispute entre lui et un questeur à propos de leurs logements. Flaccus, qui se proposa comme arbitre de leur différend, montra peu de considération pour Fimbria, et ce dernier, vexé, menaça de rentrer à Rome'', relate Appien. Aussitôt, Flaccus saisit cette occasion pour se débarrasser de Fimbria et le renvoyer à Rome.

L'armée romaine en marche

Fimbria passa d'abord par Byzance, où était restée l'armée sous les ordres du préteur Minucius Thermus. Il provoque une révolte parmi les soldats et s'empare du commandement. ''Quand Flaccus rentra peu après et se fâcha contre lui, Fimbria le contraignit à fuir. Flaccus trouva refuge dans une maison et durant la nuit monta au-dessus du mur et se sauva d'abord en Chalcédoine, ensuite à Nicomédie, et il fit fermer les portes de la ville. Fimbria le suivit, le trouva caché dans un puits et le tua bien que ce fût un consul romain et le général en chef de cette guerre et que Fimbria lui-même ne fût qu'un simple citoyen qui avait accompagné Flaccus en tant qu'ami invité. Fimbria lui coupa la tête, la jeta dans la mer, et laissa le reste du corps sans sépulture. Alors, il se proclama commandant de l'armée, et remporta quelques victoires contre le fils de Mithridate. Il poursuivit le roi lui-même jusqu'à Pergame. Ce dernier s'enfuit de Pergame à Pitanè'', raconte Appien. Ainsi, Fimbria commençait à se tailler une réputation en Asie qui pourrait bien faire de l'ombre à Sylla…

MITHRIDATE VEUT NEGOCIER

Après la défaite d'Orchomène, Mithridate, effrayé par les pertes qu'il avait du subir en si peu de temps, estima qu'il était peut-être temps de trouver un accord avec les Romains... Sylla lui avait repris la Grèce et la Macédoine, Fimbria tenait la Bithynie et l'Asie se révoltait ouvertement contre lui. Autant chercher un accord avantageux que de perdre la face. En outre, il risquait à terme d'être pris en tenaille entre Sylla et Fimbria sur terre et Lucullus sur mer. Mithridate envoya donc une lettre à Archélaos pour négocier avec Sylla. A la fin de l'hiver, Archélaos prend contact avec Sylla par un marchand nommé lui aussi Archélaos. L'Imperator fut tellement content qu'il se hâta d'aller rencontrer Archélaos. En effet, le proconsul savait qu'il risquait de s'éterniser longtemps en Asie avant de pouvoir vaincre Mithridate alors que des affaires pressantes le réclamaient à Rome. Et puis, Sylla craignait surtout que Mithridate ne passe un accord avec Fimbria pour finalement l'écraser. Leur entrevue eu lieu à Délion, sur la côte, près du temple d'Apollon.

Archélaos parla le premier. La proposition de Mithridate était très tentante: Sylla abandonnait à Mithridate l'Asie et le Pont. En contrepartie, il lui offrait autant d'argent, de troupes et de navires qu'il lui serait nécessaire pour en terminer avec la guerre civile à Rome. Autant dire que Mithridate lui proposait un partage du monde: Mithridate roi d'Asie et Sylla roi de Rome. Le proconsul Lucius Cornelius Sylla a-t-il un instant réfléchit à cette proposition? Même pas! Il répondit à Archélaos qu'il ferait mieux de quitter Mithridate, de devenir roi à sa place, de devenir l'allié des Romains et de lui livrer sa flotte. Mais Archélaos rejeta cette offre avec indignation, disant qu'il ne trahirait jamais quelqu'un qui lui avait donné le commandement d'une armée. ''Eh quoi! Archélaos, reprit Sylla, vous qui êtes Cappadocien, et l'esclave, ou, si vous aimez mieux, l'ami d'un roi barbare, vous ne pouvez supporter une proposition honteuse au prix de tant de biens que je vous offre; et à moi, qui suis général des Romains, à moi, Sylla, vous osez me proposer une trahison! Comme si vous n'étiez pas cet Archélaos qui vous êtes enfui de Chéronée avec une poignée de soldats, reste de cent vingt mille combattants que vous y aviez amenés; qui vous êtes caché pendant deux jours dans les marais d'Orchomène, laissant la Béotie jonchée de tant de morts, qu'elle est presque inaccessible''.

Mithridate humilié par Sylla

Archélaos changea alors de langage et proposa cette fois à Sylla d'engager des négociations de paix. ''Le roi Mithridate était l'ami de ton père, Sylla. Il est entré dans cette guerre à cause de la rapacité d'autres généraux romains. Il a confiance en ton caractère vertueux pour faire la paix si tu lui offres des conditions justes''. Sylla répondit alors: ''Si une injustice a été faite à Mithridate, Archélaos, il aurait dû envoyer une ambassade pour exposer ses griefs. Au lieu de cela, il s'est mis dans son tort en s'emparant d'un si vaste territoire qui appartenait à d'autres, tuant un si grand nombre de personnes, s'emparant des biens publics et des fonds sacrés des villes, et confisquant les biens de ses victimes. Il a usé autant de la même perfidie envers ses propres amis qu'envers nous, il en a fait mettre beaucoup à mort, y compris les tétrarques qu'il avait invités à un banquet, ainsi que leurs épouses et leurs enfants bien qu'ils n'eussent commis aucun acte hostile. Envers nous, il a manifesté une hostilité viscérale, plus grande que ne nécessitaient les aléas de la guerre, infligeant toutes les calamités possibles aux Italiens dans l'ensemble de l'Asie, torturant et assassinant tous les Italiens ainsi que leurs épouses, leurs enfants et leurs esclaves. Voilà la haine que portait cet homme contre l'Italie, qui feint maintenant l'amitié pour mon père, amitié dont il ne se souvenait plus avant que je n'eusse anéanti cent soixante mille hommes. Au lieu de traiter de paix avec lui, nous devrions être absolument implacables, mais dans votre intérêt, je m'engage à obtenir son pardon à Rome s'il se repent réellement. Mais s'il fait encore l'hypocrite, je te conseille, Archélaos, de t'occuper de toi-même et de considérer comment se passent actuellement les choses entre toi et lui. Considère comment il a traité ses autres amis et comment nous avons traité Eumène et Masinissa''.

Sylla enchaina: ''Si Mithridate me livre toute la flotte dont tu disposes, s'il rend nos généraux, nos ambassadeurs et tous les prisonniers, déserteurs et esclaves fugitifs, et s'il renvoie en outre chez eux les habitants de Chios et tous les autres qu'il a déportés dans le Pont, s'il retire ses garnisons de tous les endroits sauf celles qu'il avait avant le début des hostilités, s'il paye le coût de la guerre qu'il a lui même déclarée, et s'il se contente de ses possessions héréditaires, j'espère persuader les Romains d'oublier les dommages qu'il a causés''. En outre, Sylla demandait à Mithridate de renoncer à la Paphlagonie et à la Galatie, de restituer la Bithynie à Nicodème et la Cappadoce à Ariobarzane, de verser aux Romains à titre de dédommagements la somme de 2 000 talents - la même somme que celle qu'il avait exigé de la ville de Chios! - plus 70 navires de guerre. En échange, Il garantissait à Mithridate ses territoires d'origines et lui offrait le titre d'ami et allié du peuple romain.

Le dialogue précédent vient probablement des Commentaires de Sylla, c'est-à-dire fortement embelli par l'ancien dictateur et l'entrevue ne s'est sans doute pas passée ainsi. Sylla étant prêt à tout pour obtenir une paix rapide avec Mithridate et contrer Fimbria, il n'hésita pas une seconde à acheter Archélaos. Il demanda ainsi au général pontique de retirer ses dernières troupes de Grèce, et notamment de la cité de Chalcis, qu'il occupait toujours, mais aussi de lui livrer une partie de sa flotte. En effet, Sylla n'avait toujours pas de nouvelles de Lucullus, et il avait désespérément besoin d'une flotte. Et la seule qui pouvait être à sa disposition était celle d'Archélaos! En échange, Sylla accordait à Archélaos le titre d'ami et d'allié du peuple romain, ainsi que 870 hectares de terre dans l'Eubée. Et pour lui faire plaisir, il alla même jusqu'à faire empoissonner Aristion, qui était l'ennemi intime d'Archélaos! Dans ces conditions, le général Pontique n'hésita pas longtemps. Il craignait d'ailleurs que Mithridate ne finisse par réclamer sa tête à la suite de ses échecs répétés contre Sylla et il passa dans le camp des Romains. Archélaos envoya par courrier les propositions de paix de Sylla à Mithridate, puis il s'empressa d'évacuer Chalcis et les positions que les Pontiques occupaient encore en Grèce. Enfin, il alla rejoindre Sylla.

LUCULLUS RESTE FIDELE A SYLLA

Que faisait donc le proquesteur Lucullus pendant le temps où Sylla l'attendait? Après sa visite en Egypte, le roi Ptolémée lui fournit des navires mais refusa de devenir ami et allié du peuple romain. Lucullus partit ensuite pour Chypre, non sans continuer de solliciter les villes le long de la côte pour rassembler la flotte demandée par son général. Il voulait passer l'hiver à Chypre, surtout pour échapper aux pirates qui infestaient alors la Méditerranée, mais comme le temps se montrait favorable, il décida d'aller à Rhodes, qui lui fournit encore des navires. De là, il navigua vers Samos où il réussit à chasser les satrapes de Mithridate avec l'aide de l'amiral rhodien Damagoras. Puis il délivre Chios et libère Colophon. A la fin du printemps, Lucullus arrive en vue de Pitanè…

Dès le début du printemps, Fimbria reprit son offensive contre Mithridate et partit à la reconquête de la province d'Asie. Le roi du Pont envoya une nouvelle armée pour lui barrer la route de Pergame, où il résidait toujours. Cette armée était commandée par le jeune prince Mithridate, son fils, et par Taxile. Les pontiques eurent tout d'abord le dessus sur Fimbria, qui du se retirer dans un camp fortifié. Mais Taxile commit l'erreur de croire le Romain vaincu et ils baissèrent leur garde. Fimbria saisit l'occasion, fondit sur eux, et tua 6 000 hommes. Les pontiques voulurent une revanche. Ce fut un massacre. Le prince Mithridate et Taxile s'enfuirent; leur armée était anéantie. Fimbria marcha sur Pergame et Mithridate décida de ne pas défendre la ville. Il s'enfuit sur la côte, et se retrancha dans le port de Pitanè où il attendait sa flotte et son armée. Fimbria, qui n'avait pas de flotte, commença à creuser une tranchée autour des remparts de Pitanè lorsque Lucullus arriva dans la baie…

Lucullus

Fimbria ''en raison de son infériorité navale, il envoya demander à Lucullus de venir avec sa flotte pour collaborer à la perte du pire ennemi de Rome et du plus guerrier des Rois. Ainsi l'enjeu inestimable de tant de combats et de fatigues, ce Mithridate que l'on poursuivait, qui était venu se faire prendre, qui était même pris dans les filets de Fimbria, n'échapperait pas aux Romains; et la gloire de sa capture appartiendrait surtout à celui qui, s'opposant à sa fuite, l'aurait arrêté comme un esclave en train de s'échapper. Coupé de la terre par Fimbria lui-même et écarté de la mer par Lucullus, il serait l'occasion d'un succès pour chacun d'eux, et les Romains ne feraient plus aucun cas des victoires tant célébrées de Sylla à Orchomène et à Chéronée. Rien n'était hors de propos dans ces réflexions; et tout le monde voit bien que si, écoutant alors Fimbria, Lucullus, qui n'était pas éloigné, avait amené ses vaisseaux dans cette direction et barré le port avec sa flotte, la guerre aurait pris fin, et que le monde eût été débarrassé d'une infinité de maux. Mais, soit qu'il fît passer la sauvegarde des droits de Sylla avant tout intérêt personnel ou public, soit que, par amour de la hiérarchie, il sacrifiât Fimbria, un scélérat, qui venait d'assassiner son ami et son général, soit que, par une divine fortune, il épargnât Mithridate lui-même afin de se le réserver pour adversaire, il n'obéit pas et laissa le Roi reprendre la mer et narguer l'armée de Fimbria'', raconte Plutarque. Plus simplement, Lucullus détestait Fimbria et n'avait aucune envie de s'associer avec lui. Et Lucullus continua sa guerre maritime. Il bat la flotte de Mithridate à Troène, puis met Neptolème en fuite à Ténédos. Enfin, il alla en Chersonèse et envoya un courrier à Sylla lui disant que sa flotte l'attendait.

FIMBRIA BRULE TROIE

De son côté, Mithridate s'était finalement enfuit de Pitanè par la mer grâce à la non-intervention de Lucullus, et il parvient à Mytilène. Gaius Flavius Fimbria n'en resta pas là lui non plus. Il ''traversa la province d'Asie, châtia les Cappadociens, et dévasta le territoire des villes qui ne lui ouvrirent pas leurs portes. Les habitants de Troie, assiégés par Fimbria, lancèrent un appel à Sylla pour obtenir de l'aide. Ce dernier promit qu'il allait arriver et leur enjoignit, en attendant, de dire à Fimbria qu'ils s'étaient remis aux mains de Sylla. Fimbria, entendant cela, les félicita d'être déjà les amis des Romains, et leur ordonna de l'admettre dans leurs murs parce qu'il était également Romain. Il leur parla ironiquement aussi des rapports existant entre Troie et Rome. Quand il fut entré, ce fut un carnage aveugle, et il brûla entièrement la ville. Ceux qui avaient été en communication avec Sylla furent torturés de diverses manières. Il n'épargna ni les objets sacrés ni les gens qui s'étaient sauvés dans le temple d'Athéna, mais les brûla avec le temple lui-même. Il fit démolir les murs, et le jour suivant, fit rechercher si quelque chose restait encore debout. Cette ville fut traitée alors plus mal qu'elle ne l'avait été par Agamemnon: pas une maison, pas un temple, pas une statue ne fut épargné'', relate Appien.

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