An de Rome 615 (-139): naissance de Lucius Cornelius Sulla

An de Rome 617-618 (-137-136): Selon Aurelius Victor: ''Un jour que sa nourrice le portait dans ses bras, une femme se présenta devant lui: ''Je vous salue, dit-elle, ô enfant dont le bonheur fera celui de votre patrie!'' Après ces paroles elle disparut; on eut beau la chercher, on ne la trouva nulle part''.

An de Rome 619-645 (-136-108): Voir par ailleurs ''La jeunesse de Sylla''

An de Rome 646 (-108): Sylla, faisant désormais partie de la première classe des citoyens, est marié à Iulia, enceinte. Décidé à être un digne représentant de ses ancêtres, Lucius Sulla a juste l'âge pour se faire élire questeur. En effet, selon une loi des Gracques, il faut avoir 30 ans révolu pour être questeur. A cette époque à Rome, 12 questeurs sont élus. Ils sont chargés des finances de l'armée et des provinces. Leur affectation est généralement tirée au sort.

LA GUERRE D'ARIQUE

En 643 (-111), après le massacre des citoyens romains à Cirta par Jugurtha, le Sénat déclare la guerre au roi de Numidie (royaume couvrant une partie de la Tunisie et de l'Algerie actuelles). Une armée est envoyée, commandée par le consul Lucius Calpurnius Bestia, assisté du prince du Sénat, Marcus Aemilius Scaurus. Les Romains prennent assez facilement plusieurs villes numides, mais Jugurtha corrompt le consul et obtient la paix. Puis Jugurtha se rend à Rome et corrompt un tribun de la plèbe. Il fait aussi assassiner son cousin Massiva qui se trouvait à Rome. Le Sénat lui ordonne de quitter la ville. En partant, Jugurtha déclare : ''Rome, ville à vendre! Tu périras si tu trouves quelqu'un pour t'acheter!''. Fin 644 (-110), Jugurtha bat les troupes du propréteur Aulus Postumus Albinus. Albinus fut contraint à passer sous le joug; il dut signer la paix imposée par Jugurtha s'il voulait faire sortir les légions de Numidie en vie.

Jugurtha

A Rome, l'émotion provoquée par cette défaite est très vive. Le consul Quintus Caecilius Metellus est chargé de la guerre contre Jugurtha. Cette fois, tous les moyens sont mis en œuvre pour en finir avec le roi Numide. Et les Romains ont une idée fixe en tête: capturer Jugurtha vivant et le ramener à Rome. Metellus met sur pied une armée efficace. Son principal légat est Publius Rutilius Rufus. L'autre légat est Gaius Marius. L'armée de Metellus est efficace, malgré des débuts difficiles. En effet, lors de la bataille de Muthul (646/-108) face à Jugurtha, les pertes sont lourdes du côté des Romains, et l'armée ne doit d'avoir empêché la défaite que grâce à Gaius Marius. Mais les Romains se reprennent vite; ils prennent les villes de Zama, puis Thala après un siège de 40 jours. Jugurtha est contraint de fuir loin dans le désert.

A la fin de l'année, Gaius Marius se fait élire consul, grâce au soutien du peuple et des soldats. A l'automne, Metellus envoya Marius à Rome. Fort de sa popularité, Marius, 50 ans, venu faire un rapport au Sénat, en profita pour se lancer dans une campagne électorale. Il fit ainsi campagne sur la fin de la guerre contre Jugurtha, fort du soutien épistolaire de ses soldats: ''Bientôt Rome même fut remplie de son nom et de sa réputation; car ceux du camp écrivaient à leurs amis de Rome qu'on ne mettrait fin à la guerre contre le Barbare, qu'on n'en serait débarrassé que quand on aurait élu consul Gaius Marius'', rapporte Plutarque. Et Gaius Marius de déclarer aux Romains que s'ils l'élisaient consul, il tuerait ou capturerait Jugurtha. Il fut élu à une large majorité. Quelques jours plus tard eu lieu l'élection des questeurs. Lucius Cornelius Sylla fut élu.

An de Rome 647 (-107): Marius avait des idées bien arrêtées. Tout d'abord, il détestait les patriciens et ne se privait pas de le clamer partout sur le Forum: ''Ils méprisent ma basse origine, je méprise leur lâcheté. C'est sur la mémoire de ces grands hommes que s'appuient les nobles d'aujourd'hui, si différents d'eux comme caractère, si plein de dédain pour nous qui cherchons à les imiter; ils réclament toutes les dignités, non qu'ils les méritent, mais comme un bien qui leur est dû. Grave erreur de leur orgueil extrême. Leurs ancêtres leur ont laissé tout ce qu'ils pouvaient leur transmettre: argent, statues, glorieux souvenirs; ils ne leur ont pas laissé leur vertu: c'était impossible, la vertu étant la seule chose qui ne se donne ni ne se reçoive'', rapporte Salluste. Ainsi, Marius réussit aussi à obtenir le proconsulat d'Afrique et le commandement de la Guerre contre Jugurtha. Caius Marius a besoin de plus de soldats pour son armée; or, il est de plus en plus difficile de recruter parmi les petits propriétaires terriens. Leurs rangs ont été décimés par les divers conflits auxquels Rome a du faire face dans les deux dernières décennies. Marius décide donc de réformer l'armée en profondeur. Il supprime le cens qui servait de base de recrutement aux légionnaires. Désormais, plus besoin d'être riche pour s'enrôler dans l'armée. Les prolétaires, heureux de cette nouvelle disposition s'engagent en masse à la perspective de s'enrichir pendant la campagne militaire. D'autre part, la solde est augmentée, l'équipement du soldat est standardisé et payé par l'Etat. L'effectif de la légion passe de 4 000 à 6 000 hommes. Le convoi des bagages est supprimé: chaque légionnaire transporte désormais sur lui son propre matériel.

Gaius Marius

Gaius Marius a déjà choisi son lieutenant, il s'agit d'Aulus Manlius. Il doit aussi avoir avec lui un questeur. Le tirage au sort lui attribua le patricien Lucius Sylla. Celui-ci fut donc bien accueilli par Marius, comme on peut s'en douter: ''Marius, consul, fut, dit-on, très mécontent de voir que, alors qu'il avait à faire en Afrique une guerre si rude, le sort lui avait donné un questeur si efféminé'', rapporte Valère Maxime. Sylla devait en effet représenter tout ce que Marius détestait chez un noble: un jeune patricien débauché, arrogant et plein de morgue, la caricature même du noble qu'il dénonçait dans ses discours: ''Qu'ils fassent l'amour et boivent! qu'ils passent leur vieillesse où s'est passée leur adolescence, dans les orgies, esclaves de leur ventre et des parties les plus basses de leur corps! Qu'ils nous laissent la sueur, la poussière et tout le reste, à nous qui y trouvons plus de plaisirs qu'à tous les festins. Mais non: quand ces êtres infâmes se sont déshonorés par ces honteuses pratiques, ils veulent arracher leur récompense aux gens de bien''. Gaius Marius cherche donc à se débarrasser de son questeur. Il décide de lui confier une mission dont il sait pertinemment qu'elle lui prendra plusieurs mois. Le questeur Lucius Sylla est donc chargé par son consul de recruter une importante troupe de cavalerie auxiliaire (3 000 hommes et chevaux) dans le Latium… là où justement la cavalerie est la plus difficile à recruter. Sylla prend cette mission comme un défi: il allait rapidement montrer à Marius de quoi était capable un vrai Romain…

Gaius Marius débarque au printemps à Utique avec plus de troupes que prévu. Comme il s'agit de nouvelles recrues, le consul les initie peu à peu à la guerre en leur faisant attaquer des cibles faciles, en l'occurrence des villes peu fortifiées. Et Marius continue ses réformes: il offre à chaque légion une enseigne, soit un aigle d'argent aux ailes déployées qu'il fait porter par le meilleur soldat. Marius revêt celui-ci d'une armure d'argent et d'une peau de lion. L'aigle est le symbole de Rome et il ne doit en aucun cas tomber aux mains de l'adversaire. Entre les prolétaires et les vétérans, l'osmose se crée; la nouvelle armée romaine est née. Puis le consul décide d'attaquer la ville de Capsa. La ville est prise et Marius abandonne le butin aux soldats, gagnant ainsi en popularité.

L'aigle de la légion

En septembre, Sylla débarque avec sa cavalerie auxiliaire. Il a menée sa mission à bien, mais Marius peste toujours contre son questeur pas assez expérimenté à son goût. Il allait bientôt changer d'avis… Comme le rapporte Salluste, Lucius Sylla, ''n'avait ni connaissance ni expérience de la guerre: en peu de temps il y devint plus habile que personne. Il parlait au soldat avec douceur, répondait à ses demandes, souvent lui accordait spontanément une faveur, faisait des difficultés pour accepter un service, se hâtait d'y répondre par un autre, plus qu'il n'eût fait de la restitution d'un emprunt, ne demandait jamais rien à personne, s'attachait plutôt à avoir une foule d'obligés, prodiguait, même aux plus humbles, plaisanteries ou propos sérieux, était partout dans les travaux, les marches, les veilles, et jamais n'imitait les ambitieux médiocres, en disant du mal du consul ou des gens de bien; il se bornait simplement à ne se laisser devancer par personne dans le conseil ou l'action, et prenait ainsi le pas sur tous. Ces procédés et ces pratiques le rendirent bien vite très cher à Marius et aux soldats''.

Un cavalier romain

En fait, Sylla prend juste modèle sur Gaius Marius car Plutarque nous dit du général: ''Jamais il ne craignit les travaux les plus rudes; et il ne dédaignait pas les moindres. Il se montrait supérieur à ses égaux en sagesse et en prévoyance; avec les soldats il rivalisait de simplicité dans le vivre, de patience dans les fatigues, et il se concilia ainsi l'affection de toute l'armée. Car c'est, en général, ce semble, une consolation pour ceux qui travaillent d'avoir des compagnons qui partagent volontairement leurs travaux, et qui en font disparaître pour ainsi dire la contrainte. Et c'était un spectacle agréable pour le soldat romain qu'un chef mangeant le même pain que lui trempé dans du vinaigre, couchant sur un lit grossier, mettant avec lui la main à l'œuvre, et travaillant aux fossés et aux retranchements. En effet, le général qu'on estime, c'est bien moins celui qui donne des honneurs et de l'argent que celui qui prend sa part à la fatigue et au danger; et les soldats aiment plus celui qui veut bien travailler avec eux que celui qui les laisse s'abandonner à l'oisiveté. Telle était la conduite de Marius; et il s'attachait ainsi les troupes''. Sylla fit donc la même chose… pour s'attacher à son tour l'affection des soldats.

A l'automne, malgré une armée devenue professionnelle, Jugurtha est toujours insaisissable; il s'est retiré dans ses terres à l'ouest. A Rome, la déception est grande car Gaius Marius ne fait pas mieux que Metellus. Le Sénat finit donc par accorder un triomphe à Metellus et celui-ci s'adjuge le surnom de Numidicus. Marius garde le proconsulat d'Afrique.

An de Rome 648 (-106): Gaius Marius poursuit sa guerre de harcèlement. Il dévaste la Numidie, met à sac les bourgs et les villages, pille les vivres, les récoltes, l'or et l'argent. Mais Jugurtha est toujours insaisissable. A l'été, Marius arriva à la frontière Mauritanienne, au pied d'une citadelle batie sur un plateau rocheux imprenable où Jugurtha avait caché sa fortune. Marius décide d'assièger la citadelle mais il tarde à s'en emparer. Un groupe de soldats réussit à escalader un éperon rocheux non défendu et à s’introduire dans la cité, prenant à revers les assiégés tous massés à l’opposé face aux Romains. Marius prend la citadelle, met la main sur l'or, mais pas sur Jugurtha…

Jugurtha

De son côté, Bocchus, le roi de Mauritanie, n'apprécie pas trop de voir l'armée romaine massée à sa frontière. Se sentant en danger, il décide de s'allier à Jugurtha. En échange, Jugurtha lui promet un tiers du territoire de la Numidie. A la fin de l'automne, tous deux rassemblent alors leurs armées et fondent sur les Romains à la tombée de la nuit alors que ceux-ci allaient rejoindre leur quartier d'hiver à Cirta. Les Romains résistent et se replient en tenant les positions stratégiques. Marius s'installe sur une colline surélevée et envoie Sylla et sa cavalerie tenir le point d'eau. A l'aube, les Romains fondent sur les Maures et les mettent en déroute. Mais Marius ne relâche pas son attention et fait avancer ses troupes en position défensive. Sylla et sa cavalerie sont sur la droite, Aulus Manlius et ses archers sur la gauche, et les fantassins au centre. Quatre jours plus tard, Jugurtha et Bocchus repassent à l'attaque. Les Maures fondent en premier sur la cavalerie de Sylla. Mais Lucius Cornelius forme rapidement les rangs et les Maures sont mis en pièces. De son côté, Jugurtha fait croire aux soldats romains qu'il vient de tuer Marius. En voyant cela, les légionnaires commencent à fuir, lorsque Sylla arriva et fondit sur les troupes de Jugurtha avec ses cavaliers. Quand Bocchus vit que l'engagement était perdu, il fait demi-tour. Les Numides, désormais pris au piège, sont massacrés par les Romains, mais Jugurtha réussit à s'enfuir. Cinq jours après cette bataille, Bocchus demande à conférer avec les Romains. ''Marius lui adresse tout de suite L. Sylla et A. Manlius qui, bien qu'appelés par le roi, décident de prendre les premiers la parole: ainsi pourraient-ils modifier les intentions de Bocchus, s'il demeurait hostile, ou accroître son ardeur, s'il désirait vraiment la paix. Manlius, plus âgé, céda pourtant la parole à Sylla, plus habile orateur, qui prononça ces quelques mots:

Bocchus

"Roi Bocchus, c'est une grande joie pour nous de voir qu'un homme de ta valeur a eu, grâce aux dieux, l'heureuse inspiration de préférer enfin la paix à la guerre, de ne pas salir ta haute probité au contact d'un criminel comme Jugurtha, et de ne pas nous réduire à la dure nécessité de punir aussi rigoureusement ta faute que sa scélératesse. Depuis les temps de son humble origine, Rome a mieux aimé se donner des amis que des esclaves, et il lui a paru plus sûr de faire accepter que d'imposer son autorité. A toi rien ne peut mieux convenir que notre amitié, d'abord, parce que nous sommes loin de toi, et qu'ainsi les frictions seront réduites au minimum, tandis que les occasions de te faire du bien seront aussi nombreuses que si nous étions voisins; et puis parce que, si nous avons assez de sujets, personne, pas même nous, n'a jamais eu assez d'amis. Plût aux dieux que tels eussent été, dès le début, tes sentiments! Tu aurais, jusqu'à ce jour, reçu du peuple romain plus de bienfaits qu'il ne t'a fait de mal. Mais les choses humaines sont, d'ordinaire, régies par le hasard, qui a jugé bon de te faire éprouver et notre force et notre générosité; aujourd'hui, puisque tu peux expérimenter notre bienveillance, hâte-toi et poursuis comme tu as commencé. Tu as plusieurs moyens, bien à ta portée, de nous rendre des services qui effaceront tes fautes. Au demeurant, mets-toi bien dans l'esprit que jamais Rome ne s'est laissé vaincre en générosité; quant à la force de ses armes, tu la connais par expérience", cite Salluste.

An de Rome 649 (-105): Après réflexion, Bocchus se résout ainsi à envoyer cinq ambassadeurs en mission auprès de Marius. Mais sur la route, la petite caravane maure se fait attaquer par des brigands Gétules et arrive au camp romain en piteux état. Marius étant parti attaquer un fort dans le désert, Sylla commandait en son absence, avec le grade de propréteur. Il fit grand accueil aux ambassadeurs dépouillés, et les traita très bien pendant les 40 jours que dura l'absence de Marius. Selon Salluste, ''les accueillit, non en ennemis menteurs comme ils l'eussent mérité, mais avec des marques d'estime et de générosité. Les barbares en conclurent que le renom de cupidité des Romains ne reposait sur rien et que Sylla, dans sa munificence, était pour eux un ami''.

Sylla reçoit les ambassadeurs de Bocchus

Au fil des jours, Sylla gagne leur confiance. ''Les députés révèlent donc au questeur la mission dont les a chargés Bocchus; ils lui demandent sa protection et ses conseils; ils exaltent dans leurs propos les richesses, la loyauté, la grandeur de leur maître et tout ce qu'ils jugent de nature à lui attirer profit et bienveillance. Sylla leur promet tout ce qu'ils demandent, leur fait connaître le langage à tenir à Marius et au Sénat'', révèle Salluste. Ainsi, lorsque Marius revient, le consul laissa partir cette ambassade à Rome, tandis que deux des ambassadeurs repartaient vers Bocchus lui transmettre la nouvelle. Cependant, à Rome, l'ambassade maure reçoit un accueil mitigé: ''Le Sénat et le Peuple Romain n'oublient ni les services, ni les injures. Puisque Bocchus se repend de sa faute, il lui accorde le pardon. Pour ce qui est de leur amitié et de leur alliance, il les obtiendra quand il les aura méritées''.

Quand Bocchus reçut la réponse, à l'été, il écrivit à Marius pour qu'il lui envoie Sylla, afin de discuter ensemble des termes de cette alliance romaine. Selon Salluste, ''Sylla partit avec une garde de cavaliers et de frondeurs baléares. A cette escorte se joignirent des archers et une cohorte de Péligniens, armés comme des vélites, pour permettre une marche plus rapide et en même temps une défense suffisante contre les traits légers des Numides''. Cinq jours après, son détachement tomba sur la petite armée du prince Volux, le fils de Bocchus. Volux voulait assurer la sécurité de la délégation romaine. Les deux petites armées marchent ensemble, mais à peine un jour plus tard, Volux s'aperçoit que l'armée de Jugurtha est toute proche et il demande à Sylla de s'enfuir discrètement avec lui pendant la nuit. ''Sylla refuse fièrement: il ne craint pas le Numide, qu'il a tant de fois battu; il a confiance dans le courage de ses soldats; même si la défaite était certaine, il resterait, plutôt que de trahir ceux dont il est le chef et de chercher par une fuite honteuse à sauver une vie dont peut-être dans quelques jours la maladie aura raison'', rapporte encore Salluste. Sylla et Volux, avec leurs hommes, quittent ensemble leur position à la tombée de la nuit. Au matin, ils s'aperçoivent que Jugurtha les a devancés et que son campement se trouve à peu de distance devant eux. Trahison! Pourtant Lucius Cornelius agit avec diplomatie et demande à ses soldats d'épargner Volux. ''Aux siens il demande de se montrer courageux: souvent dans le passé quelques braves ont triomphé d'une foule d'adversaires; moins ils se ménageront dans le combat, plus ils seront en sûreté; n'est-ce pas une honte, quand on a des armes en mains, de chercher son salut dans les jambes, qui, elles, ne sont pas armées, et, parce qu'on a peur, de tourner vers l'ennemi un corps nu et aveugle. Et, puisque Volux agit comme un ennemi, il prend Jupiter tout-puissant à témoin du crime et de la perfidie de Bocchus, et ordonne à son fils de quitter le camp'' rapporte Salluste. Cependant Volux demande aux Romains de croire qu'il n'y est pour rien et, pour preuve de sa bonne fois, il propose carrément à Sylla de traverser le camp de Jugurtha avec lui! Contre toute attente, Lucius Cornelius accepte cette proposition, et lorsqu'il s'aventure dans le camp du Numide, Jugurtha est tellement surpris qu'il ne tente rien.

Arrivé devant Bocchus, Sylla lui demanda s'il voulait la paix ou la guerre avec Rome. Le roi de Maurétanie demanda un délai de dix jours pour répondre à sa question. Mais la nuit suivante, il demanda à rencontrer Sylla et lui déclara: "Je n'avais jamais pensé que le plus grand roi de ces régions, le premier de tous ceux que je connais, pût avoir un jour à rendre grâces à un simple particulier. Oui, Sylla, avant de te connaître, j'ai souvent accordé mon appui, soit sur demande, soit spontanément, mais je n'ai jamais eu besoin de l'aide de personne. Ce changement à mon détriment, qui en affligerait d'autres, est une joie pour moi. Ce qui a pu manquer, je l'ai obtenu de ton amitié, qui m'est plus chère que tout. Tu peux en faire l'expérience. Armes, soldats, argent, bref tout ce que tu peux concevoir, prends-le, uses-en; si longtemps que tu doives vivre, tu n'épuiseras jamais ma gratitude, qui demeurera toujours entière; dans la mesure où cela dépendra de moi, tu ne désireras rien en vain. J'estime qu'un roi perd moins à être vaincu à la guerre qu'en générosité'' rapporte encore Salluste.

Négociations entre Sylla et Bocchus

Et Sylla lui répondit que pour obtenir un traité d'alliance avec Rome, il devait lui livrer Jugurtha. Les négociations durèrent plusieurs nuits et furent très serrées, Bocchus hésitant jusqu'au dernier moment. Livrer Jugurtha à Sylla ou Sylla à Jugurtha? Finalement, le roi Bocchus déposa un Jugurtha enchaîné aux pieds de Sylla. Avec sa capture, la guerre d'Afrique prenait fin en septembre.

Jugurtha est livré à Sylla

Un coup de maître réalisé par le questeur Lucius Cornelius Sulla, cependant, c'est à Gaius Marius que revinrent les honneurs d'avoir gagné la guerre. En effet, les sénateurs remarquaient que c'était Lucius Sylla qui avait pris tous les risques en allant au-devant des lignes ennemis pour capturer Jugurtha, et qu'en outre, c'était grâce à sa cavalerie que les troupes romaines avaient remportées ses plus importants succès. ''Tel fut le premier germe de cette haine implacable et cruelle qui éclata bientôt entre Marius et Sylla, et qui manqua de renverser Rome'', insiste Plutarque. De son côté, Sylla avait gagné, dans ses âpres négociations, outre la reconnaissance de ses talents de militaire et de diplomate, une amitié personnelle avec le roi Bocchus.

Sylla remet Jugurtha à Marius

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