GAIUS MARIUS

(597-667/-157-86) Marius poursuivit Sylla de sa jalousie depuis la capture de Jugurtha. Sa haine pour Sylla était à un tel point qu'il déclencha une guerre civile pour lui voler le commandement de la guerre contre Mithridate.

Gaius Marius est un citoyen romain de la ville italienne d'Arpinum. Ses parents étaient agriculteurs dans un petit village et lui-même travailla comme ouvrier agricole dans sa jeunesse. Néanmoins, son père appartenait à l'ordre équestre et était client des Metellii. Ainsi, Gaius Marius, qui préférait le métier des armes à la terre, pu-t-il faire son service militaire et se faire élire tribun à 24 ans. D'une éducation essentiellement agricole et militaire, Marius détestait ce qu'il ne connaissait pas, c'est-à-dire la noblesse romaine qui parlait grec, connaissait le droit et les arts. Marius servit sous Scipion Emilien à Numance (621-622/-133-134) puis, à son retour, il débuta le cursus honorum. Grace au soutien de Caecilius Metellus, il réussit à se faire élire questeur en 633 (-121) et il servit en Gaule Transalpine. Alors que les populares étaient affaibli par les assassinats des frères Gracchus, Gaius Marius décida de suivre leur exemple et il se fait élire tribun de la plèbe en 635 (-119). Pendant son tribunat, il fit voter une loi qui donnait plus de pouvoir aux chevaliers dans les jurys. Le Sénat et le consul Aurelius Cotta s'y opposèrent, mais ils ne purent empêcher Marius de faire valider sa loi. Par la suite, il voulut se faire élire édile, mais essuya deux refus. Il se présenta alors à l'élection de préteur, et fut élu en dernière position pour l'année 639 (-115). En outre, il fut accusé de corruption dans cette élection et absout de justesse. A la fin de sa préture, le tirage au sort lui attribua la province d'Hispanie Ultérieure. Là-bas, il ramena l'ordre dans une province en proie au brigandage, et en profita pour s'enrichir en exploitant de nouvelles mines d'argent. A son retour, il divorça de sa femme et fit un brillant mariage en épousant la fille du sénateur patricien Julius César.

GGaius Marius, comme les Scipion avant lui, rêvait de célébrer un triomphe. La guerre contre Jugurtha lui en donnait l'opportunité (645/-109). Sur le terrain, Marius se révéla un brillant officier, accumulant les victoires à Muthul avec Rutilius, Zama et Sicca. Il était toujours avec les soldats, à partager leur vie, plutôt qu'avec les officiers. Cependant, Marius, après s'être gagné l'affection de l'armée, voulait maintenant obtenir le commandement de la guerre contre Jugurtha. Et pour cela, il fallait qu'il se fasse élire consul. Ainsi, il persuada les soldats du rang de dire du bien de lui dans les lettres qu'ils envoyaient à Rome, que cette guerre ne serait gagnée que si Marius se faisait élire consul. Mais Marius se montrait implacable avec Metellus. Il fit ainsi voter l'exécution d'un de ses amis, Turpilius, sous le prétexte que ce dernier avait livré la ville de Vacca à Jugurtha. L'accusation était fausse, mais le temps de s'en rendre compte, Turpilius avait déjà été exécuté. Cela affligea tout le camp romain, sauf Marius qui s'en réjouissait. A partir de ce moment, Metellus regarda Marius en ennemi. Alors que Marius, encouragé par les échos de sa campagne politique à Rome, voulait rentrer à Rome pour se faire élire consul, Metellus l'en empêcha et ne lui donna congé que douze jours avant l'élection. Mais Marius rentra à temps à Rome et se fit élire consul pour l'année 657 (-107). Peu après son élection, il intrigua avec des tribuns de la plèbe afin d'obtenir le gouvernement de la province d'Afrique et le commandement de la Guerre contre Jugurtha. En outre, il recruta des légions supplémentaires parmi les citoyens les plus pauvres de Rome. Ces mesures lui attirèrent la haine du Sénat. Marius réforma en profondeur l'armée romaine. L'équipement du légionnaire est désormais uniformisé car il appartient à l'Etat. La légion passe de 4000 à 6000 hommes, et les unités sont divisées pour être plus efficaces sur le terrain. Dans cette guerre, il ne restait plus qu'à capturer Jugurtha, alors ami avec le roi Bocchus de Mauritanie. Et c'est le questeur de Marius, Lucius Sylla, qui réussit, au terme d'une longue et difficile diplomatie, à convaincre Bocchus de lui livrer Jugurtha. Sylla avait réussit là où Marius avait échoué. Marius en éprouva une vive jalousie, ne supportant pas qu'un petit questeur puisse lui faire de l'ombre et s'adjuger une gloire qui lui revenait toute à lui.

Marius oublia bien vite ce ''détail'' car une nouvelle guerre se profilait à l'horizon. Les Cimbres et les Teutons avaient écrasés l'armée romaine en Gaule et avaient désormais la route libre jusqu'à Rome. En proie à la panique, le Sénat et le peuple de Rome élurent Marius consul in absentia pour l'année 650 (-104) et lui donnèrent le commandement de la Guerre contre les Cimbres et les Teutons. Marius rentra à Rome à la fin de l'année 649 (-105) et célébra son triomphe le 1er janvier, paradant avec Jugurtha enchaîné. Puis il partit pour la Gaule, faisant de Sylla son principal légat. Sylla s'acquitta fort bien de sa tâche la première année en capturant Copillus, le chef des Tectosages, qui menaçaient de s'allier avec les barbares. Marius en conçut une nouvelle jalousie - Sylla rééditant son exploit de Jugurtha - et relégua Sylla au rang de tribun, alors qu'il se faisait une nouvelle fois élire consul in absentia. Pour occuper ses soldats, il les mit à faire des travaux de terrassement, comme creuser des fosses à l'embouchure du Rhône. La deuxième année, les barbares n'arrivaient toujours pas et seul Sylla s'activait sur le terrain diplomatique en signant un traité avec le peuple des Marses. Pour Marius, cette fois, c'en était trop! Il ne considéra pas Sylla et lui dit même qu'il pouvait se passer de ses services. Marius préfère se passer de son meilleur officier plutôt que de voir celui-ci s'attribuer une fois encore la gloire de la victoire. Puis il se rendit à Rome pour se faire élire consul une nouvelle fois, contre toutes les lois romaines, grâce au tribun de la plèbe Saturninus. A l'automne suivant, les Ambrons et les Teutons arrivèrent dans le sud de la Gaule, et Marius les mit en déroute à Aquae Sextiae. Tous les barbares furent tués ou prisonniers. Après son succès, Marius apprit qu'il avait été une nouvelle fois élu consul in absentia. Puis Marius apprit la défaite de son collègue Catulus au col du Brenner. Il rentra à Rome, alla voir Catulus et enfin fit venir son armée auprès de celle de Catulus. Mais alors que les Cimbres se répandaient dans plaine du Pô, Marius retrouvait Sylla et leur inimitié reprit de plus belle. Ainsi, Sylla procura au printemps suivant des vivres à l'armée de Catulus, dont il était le légat, mais aussi à celle de Marius, ce qui énerva le consul au plus haut point car son armée était moins bien nourrie que celle de Catulus et de Sylla. Mais Marius était le véritable commandant en chef, et c'est lui qui avec les Cimbres, fixa le jour et le lieu de la bataille. Et comme il voulait avoir toute la gloire pour lui seul, il déploya ses légions sur les ailes, et celles de Catulus au centre. Par cette manœuvre, il voulait être le premier à atteindre l'ennemi, les ailes se déployant avant le centre, de sorte que les soldats de Catulus ne voient jamais l'ennemi. Mais fin juillet, le climat était très sec, et il s'éleva une énorme poussière sur le champ de bataille et les troupes de Marius manquèrent les Cimbres, qui s'étaient jetés sur les légions de Catulus. Catulus et Sylla remportèrent la victoire, les légions de Marius errant longtemps dans la plaine de Verceil.

Cependant, à Rome, c'était Marius qui avait gagné la guerre et on l'appelait désormais le Troisième fondateur de Rome. Pour Marius, les honneurs d'un second triomphe ne suffisaient pas et il fit tout pour obtenir un sixième consulat, abaissant même sa fierté pour obtenir des voix. Il fut donc encore élu consul pour l'année 654 (-100). Mais au Forum, Marius était bien moins souverain que sur un champ de bataille, et Metellus Numidicus se montra un de ses opposants les plus acharnés. ''C'était un homme naturellement et sincèrement ennemi de tous ceux qui s'insinuaient dans les bonnes grâces du peuple par des moyens honteux, et qui dans leurs actes publics ne s'étudiaient qu'à lui plaire'', dit Plutarque de Metellus. Marius réussit donc à faire exiler Metellus en soutenant les lois du tribun de la plèbe Saturninus. Par la suite, Marius ne pu faire autrement que soutenir les propositions de Saturninus alors que celui-ci voulait renverser la République. Le Sénat finit par réclamer la tête de Saturninus et de ses amis, et Marius ne put empêcher leurs assassinats. Aux nouvelles élections consulaires, il ne se présenta pas, de peur de ne pas être élu. L'année suivante, le peuple vota le retour de Metellus, si bien que Marius se résolu à quitter la ville. Il cherchait une nouvelle guerre qui lui rendrait son crédit. Il se rendit donc en Asie (656/-98) et alla rencontrer Mithridate, non pour lui proposer la paix, mais la guerre. Puis, il rentra à Rome, se fit construire une maison près du Forum, et partagea son temps entre le Sénat et sa villa au bord de la mer.

Après Metellus, Marius se trouvait un nouvel adversaire politique: Sylla. Son ex-questeur joua sur la rivalité qui existait entre eux pour se faire élire préteur. Sylla se présentait comme l'anti-Marius et il joua de son titre de propréteur pour aller calmer les ardeurs guerrières de Mithridate. Dès son retour à Rome, Marius paya donc Censorinus pour faire accuser Sylla de corruption et détruire sa réputation. Cette campagne de dénigrement fonctionna très bien, et mit un frein aux ambitions consulaires de Sylla. Marius s'estimait donc vengé, car Sylla ne serait jamais consul. Mais de son côté, Sylla préparait une surprise pour Marius. Par l'intermédiaire de Bocchus, il fit dédicacer un groupe de statue au Capitole représentant Bocchus livrant Jugurtha à Sylla. Ce monument réussit à rendre Marius furieux car Sylla s'attribuait la gloire de ''sa'' victoire sur Jugurtha. C'était une véritable déclaration de guerre car Sylla refusait de faire enlever ce monument qui portait ombrage à la gloire de Marius.

C'est dans cette ambiance de guerre civile latente qu'éclata la Guerre Sociale (664/-90). Marius avait enfin une nouvelle guerre pour retrouver son crédit auprès du peuple. Cette fois, il était le légat du consul Publius Rutilius sur le front nord contre les Marses. Mais Marius n'était plus le même général et près de onze ans avait passé depuis la bataille de Verceil. Néanmoins, il obtient la première victoire romaine de la guerre en battant les Marses qui venaient de tuer le consul. Puis il bat les troupes du général Asinius. Les Marses s'enfuient dans les vignes. Le temps de se mettre à leur poursuite, Marius découvre que les Marses se sont dirigés droit sur le camp de Sylla qui a fait un carnage des survivants. Lors de cette campagne, Marius est plus hésitant, il attend le dernier moment avant d'engager le combat. A 67 ans, il est devenu gros, fatigué et perclus de rhumatismes. Il ne gagna pas sa dernière bataille contre les troupes de Poppaedius Silo. Marius prit alors la décision de rentrer à Rome, laissant ses troupes sans commandement, ne voulant pas avouer qu'il était désormais trop vieux pour la guerre.

A l'été suivant, alors que la Guerre Sociale se terminait, la guerre contre Mithridate se profilait. Sur l'ordre du roi du Pont, près de cent mille Romains et Italiens ont été massacrés dans la province d'Asie. L'affrontement était désormais inévitable. A Rome, il fallait choisir un général pour aller mener le combat. Beaucoup appelaient le consul Sylla, mais Marius, qui pensait qu'une seule campagne suffirait pour battre Mithridate, voulait absolument obtenir le commandement de cette guerre. Il acheta donc le tribun Sulpicius qui, à la surprise générale, prenait petit à petit le pouvoir à Rome. En effet, Sulpicius voulait casser le pouvoir du Sénat en excluant les sénateurs qui possédaient des dettes et répartir les nouveaux citoyens italiens dans les 35 tribus. D'autre part, alors que Sylla était hors de Rome, Marius promit de soutenir ses réformes si Sulpicius faisait passer une loi lui accordant le commandement de la guerre contre Mithridate, alors que le Sénat avait déjà donné ce commandement à Sylla. (''Mais comment se fait-il que dans cette maudite ville chaque démagogue qui se réveille le matin avec en tête l'envie de dominer Rome finisse toujours par atterrir dans la maison de Caius Marius… Etrange coïncidence, vous ne trouvez pas?'' (Silla Imperator).

Sylla, de retour à Rome, car son collègue Pompeius était dépassé par les événements, s'opposa à Sulpicius en déclarant ses lois invalides. Sulpicius fit intervenir ses bandes armées, tua le beau-fils de Sylla et traina le consul chez… Marius. Marius avait enfin son pire ennemi en face de lui; il demanda à Sylla de révoquer sa loi et de quitter Rome. Sylla n'avait pas le choix; il dut quitter la ville et la laisser aux mains de Marius et de Sulpicius tandis que lui-même partirait en Orient combattre Mithridate. Marius et Sulpicius avaient désormais les mains libres. A peine Sylla avait-il quitté Rome que Sulpicius fit passer sa loi donnant le commandement de la guerre contre Mithridate à Marius, après avoir échouer à le faire élire consul suffect une septième fois. Et Marius voulait non seulement partir sur le champ en Asie, mais encore avec l'armée de Sylla! C'était l'erreur de trop pour Marius. Le consul et ses légionnaires, à peine eurent-ils appris la nouvelle par les tribuns envoyés par Marius, qu'ils se décidèrent à marcher sur Rome. Marius, voyant Sylla approcher, et sentant sa défaite arriver, fit égorger les amis de Sylla par colère, dépit et jalousie. Car s'il y a une chose que Marius ne supportait pas depuis la campagne d'Afrique, c'était de voir que Sylla était plus populaire que lui auprès des hommes de troupes. Il fallait faire payer à Sylla son arrogance et, ne pouvant l'atteindre lui-même, il se vengea sur ses proches. Mais cela ne fit pas reculer Sylla. Aux aboies, sans autres troupes que la bande armée de Sulpicius pour le soutenir, Marius était seul à Rome. A tel point qu'il appela à libérer les esclaves qui viendraient le rejoindre. A ce moment là, le brillant général qu'avait été Gaius Marius cessa d'exister. Il ne put résister longtemps face aux légions de Sylla et fut obliger de quitter Rome avec Sulpicius et son fils. De son côté, Sylla n'avait d'autre choix que de déclarer Marius ennemi public. Sylla avait gagné…

Marius chercha à quitter l'Italie par la mer, mais, après quelques péripéties, il finit par se retrouver nu dans la boue des marais pour échapper à ses ennemis. Là, il fut trouvé et emmené à Minturnes où on décida de l'exécuter conformément au décret du Sénat. Mais les citoyens envoyèrent un Cimbre pour le tuer. Gaius Marius, voyant qu'il allait être exécuté par un barbare entra dans une rage terrible, à tel point que le Cimbre sortit en hurlant. Les citoyens de Minturnes décidèrent alors d'aider Marius à s'enfuir et celui-ci pu embarquer sur un navire en direction de l'Afrique. Marius débarqua à Carthage, mais le gouverneur lui demanda de quitter immédiatement sa province s'il ne voulait pas se faire exécuter. Marius alla se réfugier en Numidie et dès qu'il apprit que Sylla était passé en Grèce et que Cinna levait des troupes pour faire la guerre aux consuls, il décida de rentrer à Rome. En débarquant en Italie, il s'attacha aussitôt à rassembler une nouvelle armée et alla rejoindre Cinna qui lui donna le titre de proconsul. Marius, aigri de s'être fait chasser de Rome par Sylla, commença par couper les vivres à Rome et à piller le port d'Ostie en tuant ses habitants. Puis il s'empara de Rome et laissa libre court à sa vengeance en allant jusqu'à faire assassiner ceux qui ne le saluaient pas! Il fit enlever la fameuse statue de Sylla et de Bocchus au Capitole, tua encore les amis et partisans de Sylla qui étaient encore en vie et le déclara ennemi public. Beaucoup de sénateurs durent quitter Rome et se réfugier en Grèce auprès de Sylla. Beaucoup d'autres furent égorgés sur ordre de Marius qui, en outre, laissait ses esclaves piller et massacrer les familles de ses ennemis. Puis des nouvelles laissèrent entendre que Sylla avait terminé victorieusement la guerre contre Mithridate et qu'il revenait à Rome avec une puissante armée. Marius fut alors élu consul une septième fois et continua d'exécuter ses ennemis. Puis il apprit que Sylla serait bientôt de retour et il tomba dans une profonde angoisse. Il ne pouvait plus dormir car Sylla le terrorisait jusque dans son sommeil. Epuisé, terrorisé par un ennemi absent, abusant du vin, Marius finit par tomber malade, à peine dix jours après le début de son consulat. Il attrapa une pleurésie avec de fortes fièvres et délirait qu'il commandait la guerre contre Mithridate. Il mourut sept jours plus tard à la plus grande joie des Romains. Il fut inhumé dans un tombeau. A son retour, Sylla le fit ouvrir et fit jeter son cadavre dans l'Annio.